Lors du voyage d’étude réalisé dans le cadre du projet Eden (4/4), dont le but était de découvrir de nouvelles façons d’appréhender l’offre de soins en psychiatrie et les personnes entendant des voix, le Pr Nicolas Franck a rencontré le Pr Patrick McGorry au sein de la structure Orygen à Melbourne en Australie.
« Tout doit être fait pour que la santé mentale des adolescents et des jeunes adultes soit optimale, afin qu’ils accèdent à leur vie d’adulte dans les meilleures conditions. Nous œuvrons en ce sens. »
Orygen [https://www.orygen.org.au/] est un institut de recherche translationnelle et une plateforme innovante pour les soins cliniques préventifs destinés aux jeunes. Il se concentre sur les jeunes et leurs besoins. Ils sont directement impliqués dans tous les projets. Les locaux ont d’ailleurs été dessinés et construits en collaboration avec plus de 160 jeunes. La vision développée par Orygen implique un traitement anticipé et une réelle attention portée au rétablissement des personnes concernées.
Orygen veut parvenir à ce que les jeunes faisant face à des troubles mentaux aillent mieux et restent en bonne santé, grâce à des programmes de formation et des ressources innovantes.
Le professeur McGorry est psychiatre, enseignant et chercheur à l’université de Melbourne. Ses travaux ont permis une meilleure prise en compte de la santé mentale des jeunes dans le monde entier. Il est le fondateur et le rédacteur en chef de la revue Early Intervention in Psychiatry. Son principal objectif est de réformer l’offre de soin dans le domaine de la santé mentale mais aussi les politiques sociales afin de permettre aux personnes concernées d’être prises en compte équitablement et réussir leur vie.
Le professeur McGorry a mené un plaidoyer ayant abouti en 2005 à la création par le gouvernement australien de la Fondation nationale pour la santé mentale des jeunes. Elle est devenue Headspace en 2006.
Il a été élu en 2010 « Australien de l’année » et a été décoré de l’Ordre d’Australie.
Il a joué un rôle essentiel de défenseur et de conseiller auprès du gouvernement et de la réforme du système de santé en Australie et dans de nombreuses régions du monde.
En 2013, il a reçu le prix annuel de recherche de la National Alliance for the Mentally Ill à Washington DC et en 2016, il est devenu le premier psychiatre à être élu membre de l’Académie australienne des sciences.
En 2018, il a reçu le Schizophrenia International Research Society Lifetime Achievement Award et en 2019, le Humanitarian Award de la Society of Biological Psychiatry.
Patrick McGorry est le directeur exécutif d’Orygen. Il est notamment en charge du plan stratégique et des activités de l’établissement.
Le professeur Franck Nicolas a pu échanger avec lui autour de ce qu’il a développé. Dans cet entretien, il est notamment question de l’organisation de la psychiatrie en Australie. Le professeur McGorry a transformé l’offre de soins dans le domaine de la psychiatrie en s’appuyant sur la réorganisation des soins primaires. La frontière entre les soins destinés aux adolescents et ceux qui sont proposés aux adultes est passée de 18 à 25 ans.
En effet, selon le professeur McGorry, à 18 ans les jeunes sont en pleine évolution ; ils ne sont pas encore complétement matures ni indépendants. La période qui va de 12 à 25 ans est propice au développement de nombreux troubles psychiatriques, d’où la volonté de ne pas générer de rupture de soins à 18 ans. Une douzaine de pays ont adopté une plateforme de soins primaires de même nature que l’Australie, notamment l’Irlande et les Pays-Bas.
Selon Patrick McGorry un certain nombre de raisons peuvent contribuer aux angoisses des jeunes d’aujourd’hui, notamment des difficultés relationnelles, une peur de l’avenir, de l’échec, les questions environnementales et notamment la dégradation du climat, les facteurs économiques, la crise du logement, etc.
La question du lien entre les structures résidentielles et les équipes spécialisées a aussi été abordée dans l’interview. Au cours de leur parcours de soins, les jeunes confrontés à un premier épisode de psychose se rendent dans des lieux de vie comme Headspace. 20 à 30 % des jeunes se rendant dans un lieu de vie présenteraient déjà un haut risque de psychose. Or ce lieu propose outre un accueil, des évaluations et des prises en charge. Il est accueillant et convivial pour les jeunes dans le doute. Il permet une entrée en matière progressive, « en douceur ». La mise en place d’un lieu comme celui-ci permet d’anticiper des situations risquées ou délicates pour les jeunes atteints de psychose se rendant habituellement trop tardivement dans un service de soin.
Les jeunes ont contribué à la conception des activités d’Headspace et d’Orygen et ils sont sollicités quant à leur évolution. En pratique, ils participent aux structures consultatives qui ont été mises en place au sein des espaces de vie. Les conseils d’administrations, les services, la recherche, les groupes consultatifs nationaux comprennent ainsi des jeunes, dont l’avis constituent une force.
L’institut Orygen adresse au gouvernement des préconisations en faveur de la santé mentale des jeunes. Les transformations attendues comprennent notamment une modernisation de l’organisation sociale. Orygen contribue à l’amélioration des dispositifs de prises en charge, de telle sorte qu’ils promeuvent le rétablissement et permettent aux personnes accompagnées d’accéder à une vie épanouissante et pleine de sens.