3/4 : Un voyage d’étude en Océanie à la rencontre des approches de l’entente de voix en psychiatrie

Workshop de trois jours à la Humane clinic - Christies Beach, South Australia


La Humane clinic implantée dans la banlieue sud d’Adelaide est une structure proposant des prises en charge axées sur la compassion aux personnes faisant face à différentes situations de souffrance psychique, dont l’entente de voix et les traumatismes. Elle représente une alternative aux prises en charge habituelles, souvent centrées sur la réduction des symptômes (avec un recours souvent prolongé aux psychotropes, dont aux antipsychotiques) et sous-estimant le rôle des traumatismes.

Ce workshop a réuni plus d’une vingtaine de personnes (voir photo ci-dessous) du 25 au 27 mars 2024 : des psychiatres, des psychologues, des infirmiers, des travailleurs sociaux, des pair-aidants et des personnes aux prises avec des hallucinations verbales. Les participants étaient originaires d’Australie, du Brésil et d’Europe (Danemark, France, Pays-Bas et Royaume-Uni). Ils sont venus à la Humane clinic (fondée par Matt Ball - Interview ci-dessous) en quête d’une prise en compte plus humaine et plus efficace des antécédents de traumatismes et des hallucinations.



Focus sur le concept de « Just listening », au centre des pratiques de la Humane clinic, mis en avant par des exercices d’écoute réitérés et de durée croissante tout au long des trois jours du workshop.




Matt Ball, le fondateur de la Humane clinic a présenté les principes de l’approche "HUMANE" destinée aux perceptions hors du commun. HUMANE est un acronyme dont les lettres qui le composent signifient : H hope, U understanding, M meaning, A acceptance, N noos (human spirit), E empowerment. Matt Ball prône la relation d’humain à humain, la tolérance à l’incertitude, l’empathie et la compassion, le fait d’être avec et non pas de faire pour, la créativité et l’ouverture. "Dissociachotic" est un néologisme combinant les termes "dissocié" et "psychotique", qui met en exergue de manière paradoxale la partie non psychotique partagée par nous tous.



Dans l’approche fondée sur la compassion, la personne est abordée avec amour et réciprocité dans le cadre d’une relation d’humain à humain. Cette approche s’oppose à l’approche médicale qui recherche avant tout à définir le diagnostic et le risque, éventuellement au détriment de la personne. Idem pour l’approche conventionnelle du traumatisme.



Selon Matt Ball, une expérience d’ interconnexion partagée entre humains émerge de la compréhension juste d’un récit unique.


Concept de « just listening »


Just listening offre un soutien en face à face à toute personne touchée par un vécu psychotique, le suicide ou la détresse émotionnelle.
La communauté Just listening anime des groupes d’entraide, notamment un groupe sur les voix et les réalités alternatives, un groupe en présentiel sur les récits de suicide, ainsi qu’un groupe en ligne sur les récits de suicide.


Écouter avec l’intention de rendre justice à l’histoire d’une personne
Concentrez vos réponses sur l’histoire de la personne que vous écoutez.
Résistez à l’envie d’interpréter les choses : écoutez plus longtemps
Ralentir pour être conscient de ses propres pensées et intentions



La justice à l’écoute
Voix verticales et horizontales
Répondre à l’histoire de la personne
La culture de la réparation
Frontières
Gérer les émotions fortes
Just Listening : une pratique dialogique
Aide immédiate
La perspective du réseau social
Flexibilité et mobilité
La responsabilité
Continuité psychologique
Tolérance à l’incertitude
Dialogue (et polyphonie)


En savoir plus sur Matt Ball, le fondateur de la Humane clinic


Étude de l’University of South Australia : Interview d’Adan Richards - Chercheur au sein de la Humane Clinic


Lors de cet entretien, Adan Richards revient sur son travail de chercheur au sein de la Humane Clinic.
Il développe notamment l’importance de cette structure qui tente d’expliquer certains troubles psychiques par le contexte des patients plutôt que par des supposés facteurs génétiques.
Il revient aussi sur l’impact de la colonisation et du racisme systémique vis-à-vis de la santé mentale des communautés autochtones.



Clinique
Le fait d’être piégé dans des situations compliquées sans échappatoires semble favoriser la présence de voix
• L’analyse du discours, de l’histoire des personnes concernées aide à comprendre comment elles perçoivent les voix qu’elles entendent
• Les traitements médicamenteux actuels ne prennent pas toujours en compte leurs parcours de vie compliqués et les aggravent parfois, ils déclenchent même chez certaines personnes la première apparition des voix



Etude d’Adan Richards, doctorant à l’University of South Australia : hypothèse de recherche et méthode
• Comment le vécu et l’histoire des personnes déclenchent des voix
Entretiens approfondis pour obtenir leur biographie complète et déterminer les périodes durant lesquelles elles ont fait face à des événements difficiles, en s’attachant au contexte précédant le début du vécu psychotique.



Evaluation et orientation vers des soins de santé mentale – National Guidelines (p.51)
Des études récentes indiquent que la prévention des risques est une pratique insuffisante, qui contribue souvent à sur ou à sous-estimer les risques en question.
Elle n’a pas pour objectif de prédire si une personne est susceptible de faire une tentative de suicide, de se faire du mal à elle-même ou de se tuer : elle reste centrée sur l’évaluation du risque pour lui-même et elle définit la réponse à apporter en conséquence.

Cette pratique se concentre sur :
• Suicide, idées suicidaires passées ou présentes, tentatives de suicide
• Automutilations (à visée non suicidaires) actuelles et passées
• Symptômes sévères présentant un danger pour soi ou pour les autres
• Négligence de soi présentant un risque pour la sécurité de la personne



Voir ci-dessous l’interview de Michael Cidlik, participant du workshop concerné par l’entente de voix.


Michael Cidlik évoque les moyens pouvant être mis en place pour aider les entendeurs de voix et les personnes en détresse. Il montre l’intérêt de s’appuyer sur la pratique du « Just listening » .


Trevor Eyles explique ici, comment son parcours l’a amené à se diriger vers une approche différente de la psychiatrie. Une approche plus à l’écoute des personnes concernées par les troubles psychiques (notamment les entendeurs de voix) et plus détachée des traitements médicamenteux .


Dirk Corstens, psychiatre et psychothérapeute à Maastricht dans un centre universitaire de santé mentale communautaire, montre pourquoi il faut s’intéresser au contenu des voix et comment la psychothérapie peut aider les personnes concernées à y faire face. Pour ce faire Dirk Corstens a adapté le Voice Dialogue à l’entente de voix.


Présentation du réseau de réhabilitation psychosociale français par le Pr Nicolas Franck


Nicolas Franck a mis en exergue l’importance des prises en charge non médicamenteuses pour les personnes ayant des troubles mentaux sévères et la place qui leur est accordée au sein du réseau de réhabilitation psychosociale. Les structures qui le composent sont destinées à mettre en valeur les capacités de ces personnes et à les renforcer, en faveur de leur autodétermination. Ce réseau couvre tout le territoire français, aussi bien en métropole qu’outre-mer, avec environ 135 centres de réhabilitation psychosociale organisés selon les mêmes principes et ayant une offre de soin homogène. Ce sont des structures appartenant à ce réseau qui s’impliquent dans le projet Eden.



Présentation du dispositif Eden


Le Dr Patrick Le Cardinal, Camille Niard et Baptiste Gaudelus ont présenté le dispositif Eden (Programme destiné à renforcer le pouvoir d’agir des personnes concernées par l’entente de voix, en cours d’implantation dans des sites pilotes.)