Dans cet article, proposé par François Flaven, qui vit avec des troubles bipolaires, nous vous invitons à partir à la découverte de deux de ses poèmes consacré à la bipolarité.
Patient ressource en santé mentale depuis octobre 2017, je vis avec des troubles bipolaires depuis de nombreuses années. Stabilisé depuis dix-sept ans, j’ai eu l’occasion, ces quatre dernières années, d’accompagner plusieurs personnes vivant avec des troubles bipolaires afin qu’elles puissent prendre ou reprendre le chemin du rétablissement.
Tout récemment, j’ai réfléchi au moyen de toucher un grand nombre de personnes et l’écriture m’a semblé être un medium intéressant. En 2019, j’ai publié un roman, Alice, qui met en scène une jeune femme vivant avec des troubles bipolaires sans le savoir. Cette année, j’ai décidé d’écrire quelques poèmes susceptibles de servir de point de départ à des discussions, au sein d’ateliers, sur les problématiques engendrés par les troubles psychiques et leurs manifestations. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit un poème sur la bipolarité, un autre sur les angoisses, un troisième sur la solitude et un quatrième sur la difficulté à s’endormir.
Ces quatre poèmes traitent de choses que j’ai bien connues par le passé, mais que je connais encore aujourd’hui, comme la solitude et la difficulté à aller me coucher.
J’espère donc que ces poèmes feront écho à ce que vous rencontrez et qu’ils vous aideront, à votre tour, à prendre la parole pour vous et/ou pour les autres.
Dans cet article, nous vous partageons deux de ses poèmes sur la bipolarité, et nous vous invitons à découvrir la suite de ses poèmes à la bibliothèque du centre ressource.
Bonne lecture !
Les montagnes russes sont belles quand elles s’aplanissent
J’ai longtemps cru que ma vie ici-bas n’était faite
Que de hauts et de bas, que rien n’était une fête
Qu’à certains moments, j’étais un véritable dieu
Invulnérable, séducteur, présent en mille lieux
Dépensant sans compter, multipliant les projets
Invincible, le jour, la nuit, le monde me souriait
Et qu’à d’autres, je sombrais dans un abîme, perdu
Appelant la mort pour me reposer d’une vie déchueLe revers de la médaille, mes amis, a un prix
Fort élevé, il est vrai, chaque jour je dois lutter
Véritable coquille vide, mélancolique, terrifié
J’erre sans but, sans espoir, redoutant la folie
La maladie, telle une hydre, étouffe ma raison
Elle me broie sans pitié en toutes saisons
Mais trouvant l’énergie de forcer mon destin
Ma volonté farouche et les armes à la main
Je me bats, refusant d’être mis sur la toucheIl y a, heureusement, des moyens de résister
De garder l’espoir de lendemains meilleurs
Pour cela, avoir, malgré les pleurs, le courage
D’affronter l’orage et de surmonter ses peurs
Psychoéducation, traitement et psychothérapie
Nous aident à nous stabiliser, à retrouver nos amis
Le vent mauvais n’est bientôt plus qu’un souvenir
Accueillons les jours heureux, profitons de l’avenir.
La bipolarité
Depuis toujours, elle me séduit par ses caresses
Se dit mon amie, mais c’est une grande traitresse
Elle m’habite jour après jour, me ment et me perd
Elle ne m’a pas laissé le choix, c’est l’été ou l’hiverEn permanence, je la surveille, le pouvoir elle veut
Elle guette une faille, elle est comme le lait sur le feu
Mais je la contiens, je la connais bien, je ne lui laisse
Aucun répit. J’ai mon traitement et la psychothérapieJe l’observe, la scrute, je mène une grande bataille
Séductrice, à pas menus, elle avance ses pions
Ma fragilité la sert, toujours elle me raille
Et me dit : A quoi bon ? Tu n’es pas un champion.Cette maladie de l’esprit qui fausse ma vision
Me tend souvent des pièges, elle agite ses fanions
Elle me rend si fort que j’en reste étourdi
Et parfois, si faible, que je n’ai plus d’énergieLes hauts sont enchanteurs, les bas, dévastateurs
Je ne puis lutter à armes égales, il me faut un tuteur
Contre cette malédiction qui peut être fatale
Elle est sournoise et maléfique. N’est-elle pas totale ?Mais le temps et le courage, souvent, changent tout
On peut vivre simplement en apprivoisant le loup
Il faut nourrir tout le temps ce qui est bon en nous
Et assoiffer cette mélancolie qui nous pousse à bout.