Existantes depuis 12 ans, initialement installées au sein du centre social du CH Le Vinatier, les Journées Cinéma et Psychiatrie se sont définitivement installées dans la ville, plus précisément à Villeurbanne. Commune avec qui les équipes de la Ferme ont créé un vrai partenariat, en plus des centres hospitaliers de la Métropole : le Vinatier, Saint-Jean de Dieu et Saint-Cyr au Mont d’Or.
Cet événement est un festival de cinéma comme on l’entend, qui convie chaque année les professionnel-le-s de santé et de cinéma environnants et d’ailleurs, avec une volonté d’ouverture plus évidente vers le grand public. Que l’on soit initié-e ou néophyte, tout le monde peut venir assister aux projections.
“Cette année, la thématique est, pour la première fois, consacrée à la précarité en mettant la focale sur les errants et les difficiles parcours de survie dans l’espace public avec la projection de trois portraits particulièrement sensibles et d’un film sur une équipe de psychiatrie travaillant dans la rue.” [voir le site du CH le Vinatier]
Les premières parties de journées ont toutes été des moments rassembleurs, où ont été proposés des courts et moyens-métrages en lien avec la thématique annuelle, certains provenant notamment de la programmation du Festival Psy de Lorquin (57), événement organisé par le Centre National Audiovisuel en Santé Mentale depuis 1977.
La première journée a été particulièrement percutante avec le documentaire “Les passeurs de soin” de Philippe Masse. L’équipe de tournage suit durant un an et demi à Rouen, une équipe psychiatrique, qui a été la première de France, à partir quotidiennement à la rencontre de ceux qui ne se soignent jamais, qui ne réclament rien et qui vivent dans la rue, les “grands précaires” : les sans-abris, les migrant-e-s, les jeunes en errance. Elle les rencontre dans les centres d’hébergement, et tente de restaurer la dimension psychique de ces personnes, en les réintégrant dans une histoire, leur histoire. En étroite collaboration avec les travailleurs sociaux, psys et infirmiers les amènent, peu à peu, à reprendre soin d’eux.
Un autre documentaire dans la même veine, fut particulièrement marquant : Les étoiles du nord, d’Antoine Dubos. Un moyen métrage qui suit François, un ami du réalisateur qu’il a connu 5 ans plus tôt :
“François vit dans la rue depuis plus de 15 ans et est en lutte perpétuelle avec la vie, mais surtout avec sa propre mémoire. Tenter de continuer à regarder l’avenir alors même que le passé s’effrite, voilà son combat quotidien. Combat rendu plus difficile par la vie à la rue, où les traces s’effacent plus vite, où les objets se perdent, où les morts n’ont pas de stèles. Pourtant, il continue de porter son regard sur le monde et sur lui- même, s’accrochant aux lueurs qui survivent malgré tout.”
La second matinée, un moyen métrage de Nathalie Giraud et Timothée Corteggian était présenté (un des deux réalisateur-rice-s était présent pour la table ronde qui suivit) : “Silencieux Rivages”, témoigne du deuil familial, la perte d’un enfant qui a mis fin à ses jours. A travers l’histoire d’Aline et Pierre Dubois (célèbre écrivain de contes féeriques), ils éclairent sur leur besoin de se reconnecter à la nature et à une forme de spiritualité. Accepter la disparition et accueillir certains événements qui les dépassent, des manifestations de vie parfois mystiques qu’ils associent à leur fille, par besoin absolu de surmonter le chagrin. Trente ans plus tard, rien n’a changé, mis à part que le couple à évolué, vieillit, et “fait avec”. Leur malheur est évident, mais il est émouvant de les écouter parler des faits, sans tabou, avec une si grande douceur. La présence de leur enfant se sent partout. Que ce soit dans leur maison, à travers leurs objets, leur mémoire, la musique, les plans choisis, la mélancolie des décors, la lumière….
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Les après-midi au sein des locaux de la MLIS, ce sont des focus sur les films “d’ateliers”, qui relatent d’expériences et projets en institutions, des courts-métrages locaux tels que les projets “Culture et Santé” portés par l’association “Interstices”, des films indépendants qui montrent le rétablissement de personnes concernées, etc. Une occasion privilégiée de découvrir ce qui se fait tout près de chez nous, et d’échanger avec les acteurs et actrices de la santé mentale localement. Le mardi après-midi a notamment été l’occasion de discuter ensemble du rétablissement et de la pair-aidance, deux concepts clés de la réhabilitation psychosociale qui prennent de l’ampleur.
Pour clôturer le festival, deux projections grand public ont eu lieu au CCVA de Villeurbanne et au Comedia (Lyon 7) : Funambule de Ilan Klipper et le mythique Donnie Darko de Richard Kelly.
En résumé, avec tables rondes et discussions, le festival Cinéma et Psychiatrie vaut le détour, nous avons hâte d’être à l’année prochaine.
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Programmation 2023
https://jcpl.fr/wp-content/uploads/2022/12/JourneeCinemaPsychiatrieVF.pdf