[Témoignage] "Je ne vais pas vous cacher que la route a été longue, pour que je ressente enfin un mieux être"

Je m’appelle François. J’ai été diagnostiqué schizophrène paranoïde en 1999. Je vais mieux depuis 2011 et au jour d’aujourd’hui j’ai réussi à trouver un équilibre (Bien-être – symptômes) avec cette maladie. Je me considère rétabli, c’est-à-dire que j’arrive à ne plus me laisser submerger par les symptômes, et à vivre de façon plus saine afin de ressentir un mieux-être qui me paraissait, il y a quelques années, inatteignable.

Mon enfance et les premiers symptômes

Que dire de ma maladie ?

Au départ de ma vie, j’étais un jeune qui aimait rire et jouer, mais qui a grandi trop vite. Depuis ma jeunesse les voix étaient déjà présentes, en arrière fond, et la douleur aussi… Une sorte de cycle infernal, douleur-voix, qui a fait que je me suis réfugié dans mon monde intérieur avec ce que ce que j’appelle aujourd’hui « des lumières », qui m’apaisaient, car je les trouvaient agréables et calmes.

Un matin, au réveil, j’avais environ 7 ans, je me suis senti attaqué psychiquement, attaque douloureuse d’une partie de mon être déjà fragile, comme si quelque chose ou quelqu’un m’était rentré dedans, dans ma tête ! Vous me voyiez dire à ma mère « Maman, il y a quelqu’un qui est rentré dans ma tête » J’aurais peut-être dû mais je n’en fis rien car ma mère avait d’autres chats à fouetter. Les lumières me faisaient tenir, mais un jour elles disparurent et me laissèrent seul dans ma souffrance, comme si je m’étais abandonné, seul, désorienté souffrant dans mon psychisme, et m’éloignant de moi, les lumières s’éloignaient et la souffrance augmentait.

La douleur entrainait les voix, et pour me sentir mieux, je me réfugiais au fond de moi, ou je pensais pouvoir trouver les solutions tout seul. Du calme je pouvais en trouver, mais la paix m’avait quitté et mon courage aussi.

Je ne comprenais pas, et tout au long de mon adolescence, la souffrance persistant je me suis mis à penser et à croire que c’était normal et j’ai commencé alors à faire avec.

La progression des symptômes jusqu’à ma première hospitalisation

Durant les années collège et lycée, les voix présentes ne m’empêchaient pas trop d’étudier, mais elles ne me laissaient pas assez de place pour être moi-même, enfin, je leur laissai trop de places pour être moi-même. J’ai tout de même réussi à avoir mon baccalauréat en 1996.

Une période, les voix couvrirent ma pensée (Période assez longue, trop longue même et parfois même encore !) Je faisais ce qu’elles voulaient et pas ce que je voulais … Addiction au cannabis, à l’alcool… Mauvaise hygiène de vie… Tout cela m’a fait décompenser à l’âge de vingt ans, et je l’ai ressentie (ma décompensation) comme le ciel qui me tombait sur la tête.

Tout était alors chamboulé, mes repères n’étaient plus les mêmes. J’étais comme enfermé, au fond d’un vieux placard, sans lumière, sans air, seul, avec comme compagnie, les changements qui s’étaient produits (Bouffées délirantes, hallucinations etc…).

Je me souviens que j’ai trouvé un côté amusant à ce premier épisode délirant, je trouvais un côté agréable à l’hyper saillance qui émergeait. Je pensais que j’étais normal.


Ce que je pense de la stigmatisation :

Comment est-ce que moi je ne suis pas normal, malade ? Colère sous-jacente face à ma maladie psychiatrique, face à la représentation sociétale du monde psychiatrique et des psychiatres, psychiatre qui lors de son diagnostic en 1999 m’arracha un sourire de non acceptation ! Colère face à la vie, parce que j’avais toujours fais ce que je pouvais, essayant de jongler entre les voix et la douleur, la souffrance dans mon monde intérieur, l’agressivité du monde extérieur, et ne rien montrer aux autres car cela aurait été une preuve de faiblesse, essayant depuis l’enfance d’arrondir les angles entre les voix que j’entendais et le monde extérieur...
En colère aussi, contre la société qui stigmatise les personnes souffrant de troubles psychiques en les affublant de petits sobriquets, les montrant du doigt, comme si leur maladie était contagieuse, en colère, car le regard même de mes parents sur moi avait changé.

Une personne souffrant de troubles psychiques n’est pas forcément dangereuse ou stupide !

Ce sont des personnes qui souffrent, qui ont longtemps souffert... et qui souffrent encore... Et quoi qu’en disent certains : "Non ! Nous ne faisons pas exprès d’être malade".

Des personnes se moquent, et bien qu’elles se moquent ! Au lieu de rire des autres, comme je ne sais pas qui a dit "apprenez plutôt à rire de vous... Vous n’aurez jamais fini de rire".

Ma première hospitalisation (ou ma rencontre avec le milieu de la psychiatrie)

J’ai été interné pour la première fois en 1997, quelques jours, je ne sais plus trop combien de temps, mais dans la cellule d’isolement ou j’étais enfermé, je me souviens que je dormais, et que j’étais réveillé par l’infirmière qui venait m’apporter mon repas, et une pilule bleue, que j’étais obligé de prendre… J’appris plus tard que cette petite pilule était du Tercian 100.
Cet enfermement rajouta une blessure, un sentiment de colère et d’injustice, comme si j’avais fait du mal et que j’étais coupable d’être là, comme si j’étais coupable d’avoir pris des coups.

Après quelques jours, mes parents sont venus me chercher.
J’ai vécu cela comme une libération, comme si j’échappais à l’échafaud.
L’infirmière entra, enfin quelqu’un ! Elle me passa mes affaires que je ne pris pas le temps d’enfiler avant de passer la porte... Ma mère me demanda de m’habiller et c’est ainsi que se termina ma première hospitalisation. J’étais terrifié !

Voilà comment s’est déroulé, dans les grandes lignes, le vécu de ma maladie jusqu’à ma première hospitalisation.

Résumé de mon parcours de soin

Les voix, leurs impacts

De 1997 à 2011 mon parcours de soin a été tumultueux entre délires et rechutes parce que la non-prise des médicaments liée à l’écoute des voix, me faisait toujours retourner en hospitalisation... Parce que les voix me disaient "Tu vas mieux... Tu es guéri... Tu n’es pas malade... Tu n’as pas besoin de médicaments". Mêmes voix qui m’avaient dit "Tu es malade"... qui me disaient que « de fumer du shit, c’est bien, que c’est un truc de chaman » et je pensais que comme par équilibre entre les voix je guérirais... peut-être...
Mais l’équilibre n’était pas là (et il ne dépendait vu comme ça (tourné vers les hallucinations) pas de moi), car les voix me disaient plus de choses négatives que leurs contraires.

J’ai compris que je ne devais plus me focaliser sur les hallucinations car je n’y trouverais pas l’équilibre dont j’avais besoin. Cela a été pour moi l’occasion d’une remise en question personnelle  : « Que j’avais été trop gentil dans certaines relation, et que j’en avais pâtie !. Que j’ai le droit de penser à moi même si c’est égoïste ! Et que d’arrêter de me focaliser sur les autres ce n’est pas être méchant, c’est seulement prendre soin de moi ! »

Le premier pas vers mon rétablissement

En 2011, il y a 8 ans, (8 ans sans rechutes, et sans hospitalisation. Franchement, ça soulage !). Je prenais du Risperdal, traitement qui m’accompagnait depuis quelques années et qui ne me permettait pas de ressentir un mieux-être (Cela explique aussi certaines de mes rechutes).

Je me sentais en train de perdre pied, de m’enfoncer encore plus dans la souffrance, je n’en pouvais plus... C’est lors d’un entretien avec la psychiatre qui me suivait que j’ai osé, chose que je n’avais jamais faite auparavant, avec personne, lui demander de l’aide... Ce fut comme une clef qui m’ouvrit la porte du "aller mieux"

J’ai ce jour-là commencé à faire la paix avec moi-même, et étant donné qu’elle m’avait pris au sérieux, avec le milieu de la psychiatrie. Je les voyais enfin comme des soignants et non plus comme des tortionnaires.

De nos jours, en 2019


Maintenant, à 42 ans, je vais mieux et je me considère comme rétabli. J’ai pu établir une balance (Bien-être_ Symptômes) qui me permet de gérer au mieux ma pathologie.

Je ne vais pas vous cacher que la route a été longue, pour que je ressente enfin un mieux-être. Entre rechutes et hospitalisations, il m’aura fallu une quinzaine d’années environ pour pouvoir me relever et pouvoir commencer à me reconstruire. Pouvoir respirer à nouveau est comme une renaissance. J’ai dû moi aussi faire des efforts, faire confiance à mon médecin, prendre mon traitement que je prends encore aujourd’hui.

A vous qui me lirez, et qui êtes concernés par cette maladie, n’abandonnez pas car il y a toujours un espoir, et un mieux-être est toujours possible, j’y suis arrivé, pourquoi pas vous ?

François de Castro