Remédiation cognitive et thérapie cognitive et comportementale en faveur de l’insertion professionnelle en contexte de troubles de la schizophrénie

Une nouvelle étude parue dans le Nordic Journal of Psychiatry est l’opportunité d’une mise au point sur les facteurs prédictifs de l’insertion professionnelle en contexte de troubles de la schizophrénie. Elle met en évidence l’intérêt d’optimiser les programmes de réhabilitation professionnelle en associant des interventions de remédiation cognitive et thérapie cognitive et comportementale pour restaurer les fonctions cognitives, le sentiment d’efficacité personnel et l’estime de soi des personnes présentant un trouble de la schizophrénie.

En bref
Une nouvelle étude parue dans le Nordic Journal of Psychiatry est l’opportunité d’une mise au point sur les facteurs prédictifs de l’insertion professionnelle en contexte de troubles de la schizophrénie. Elle met en évidence l’intérêt d’optimiser les programmes de réhabilitation professionnelle en associant des interventions de remédiation cognitive et thérapie cognitive et comportementale pour restaurer les fonctions cognitives, le sentiment d’efficacité personnel et l’estime de soi des personnes présentant un trouble de la schizophrénie.

Le contexte de l’étude

L’emploi constitue un enjeu clef du rétablissement des personnes présentant un trouble de la schizophrénie. Les données issues de la base de données REHABase mettent bien en évidence qu’il s’agit d’une priorité pour les personnes suivies dans les centres de réhabilitation psychosociale. L’emploi est un élément important du rétablissement des personnes présentant un trouble de la schizophrénie. Il est associé positivement à une meilleure qualité de vie. Toutefois, les études internationales révèlent des taux d’emploi compris entre 6 % et 39 %. Une méta-analyse récente avait déjà conclu que la neurocognition, les symptômes négatifs, le jeune âge, l’éducation et une expérience professionnelle préexistante constituaient des facteurs prédictifs de retour à l’emploi.

On sait aujourd’hui que l’insertion professionnelle en contexte de handicap psychique est associée à une amélioration du fonctionnement global et de l’estime de soi. Plusieurs études sur l’impact de l’emploi accompagné en contexte de troubles psychiques sévères ont mis en évidence, lorsque l’emploi s’est pérennisé dans le temps, des améliorations significatives en termes de fonctionnement global, de niveaux de sévérité de la dépression et sur l’estime de soi. En revanche, ces études n’ont pas questionné la possibilité d’une association significative entre les valeurs de base de ces variables et la réinsertion professionnelle.

Pourquoi cette étude est importante ?

Selon ses auteurs, il s’agit de la première étude portant sur le retour à l’emploi pour les personnes présentant un trouble du spectre de la schizophrénie, avec un suivi à 5 ans.
Cette étude revient plus spécifiquement sur une expérimentation autour du programme JUMP (voir encadré plus bas), menée auprès de 148 personnes âgées de 18 à 65 ans présentant un trouble de la schizophrénie. Ce programme de réhabilitation comprenait un tronc commun et consistait, sur une période de 6 mois, à une fréquence de deux fois par semaine, en une évaluation des compétences, de l’expérience professionnelle antérieure et des préférences professionnelles. Un soutien à la rédaction des CV, des simulations d’entretiens, la mise en réseau auprès d’employeurs potentiels pour identifier les opportunités d’emploi étaient proposés également, de même que l’organisation d’un écosystème stimulant avec des contacts ténus et réguliers avec les professionnels de l’accompagnement en santé mentale, les job coach. Des séances de psychoéducation étaient proposées pour chaque participant. Des séances de remédiation cognitive pour un sous-groupe (n=64) et des thérapies cognitives et comportementales pour un autre sous-groupe (n=84).

Focus sur le programme JUMP
Le programme JUMP (Job Management Program) est un programme de 10 mois visant à optimiser l’employabilité et le retour à l’emploi des personnes présentant des troubles psychiques sévères en ciblant les obstacles externes et internes à l’emploi. L’emploi salarié en milieu ordinaire est l’enjeu de ce programme. Cependant le placement dans des lieux de travail ordinaires et le travail protégé étaient considérés comme des résultats professionnels positifs, comparés au chômage.

Quels ont été les effets de ce programme de réhabilitation pour l’insertion professionnelle ?

Une première étude non contrôlée publiée en 2017 par la même équipe, 2 ans après l’inclusion des participants, avait révélé que 21,2% d’entre eux avaient trouvé un emploi, représentant 28,47 heures travaillées par semaine en moyenne sur une période de 13,22 mois en moyenne. Par ailleurs, 25,3 % parmi ceux-ci avaient retrouvé un emploi salarié en milieu ordinaire, avec une moyenne de 19,74 heures de travail par semaine et une durée de travail de 11,7 mois. Des scores plus élevés de fonctionnement global et d’estime de soi à l’entrée dans le programme et une évolution positive de l’estime de soi étaient associés à une expérience professionnelle plus pérenne à l’issue du programme. Après 5 ans de suivi, 55,4% étaient engagés dans une activité professionnelle, dont 22,3% avaient obtenu un emploi en milieu ordinaire. Le nombre d’heures d’intervention dont les participants avaient bénéficié constituait un facteur prédictif de retour à l’emploi pérenne en milieu ordinaire.

Focus sur la remédiation cognitive
La remédiation cognitive : de quoi parle-t-on ? La remédiation cognitive c’est un ensemble d’outils thérapeutiques destinés à réduire l’impact des troubles cognitifs, en s’appuyant sur des techniques d’apprentissage. Il s’agit à travers des exercices de participer au renforcement des capacités attentionnelles, mnésiques, exécutives ou visio-spatiales, ou encore les processus de cognition sociale, autrement dit l’ensemble des compétences qui nous sont indispensables dans la régulation de nos comportements et interactions sociales avec les autres. Chaque programme de remédiation cognitive ciblera un ou plusieurs processus cognitifs, comme la flexibilité, la planification, la mémoire ou la reconnaissance des émotions.
Source : « Qu’est-ce que la remédiation cognitive » une interview de Nicolas Franck sur le site Enfant différent

Comment interpréter cette étude à l’aune des pratiques en psychiatrie ?
En premier lieu, les résultats de cette étude viennent confirmer le fait que l’emploi salarié en milieu ordinaire est accessible aux personnes présentant des troubles de la schizophrénie. Les contraintes structurelles ou conjoncturelles externes (marché de l’emploi, politiques publiques, stigmatisation) impactant fortement et négativement le retour à l’emploi des personnes présentant un handicap, pouvait être dépassées par une amélioration de leur fonctionnement global et de leur estime de soi, ici optimisés par la remédiation cognitive ou les thérapies cognitives et comportementales, avec un effet positif et significatif pour les deux approches. Les altérations cognitives sont aujourd’hui bien documentées comme une répercussion majeure des troubles de la schizophrénie. Cette expérience souligne par ailleurs la pertinence qu’il y a à optimiser les programmes de réhabilitation professionnelle - tels que l’Individual placement support – en y associant des interventions visant les facteurs prédictifs du non-emploi et d’un fonctionnement altéré, dont une mémoire de travail altérée et une faible estime de soi. Ce programme JUMP constitue en ce sens une version augmentée de l’IPS : les interventions RC et TCC abordent spécifiquement les facteurs impactant les fonctions exécutives, et ce faisant, pérennisent le retour à l’emploi et la qualité de vie au travail. La TCC axée sur l’expérience de travail cible directement les croyances et les comportements qui peuvent interférer avec le fonctionnement au travail.

Source de l’article : Oda Skancke Gjerdalen, June Ullevoldsaeter Lystad, Helen Bull, Petter
Andreas Ringen, Jan Ivar Røssberg, Egil W. Martinsen, Torill Ueland, Erik Falkum & Stig Evensen
(2022) : Vocational rehabilitation augmented with cognitive behavioral therapy or cognitive
remediation for individuals with schizophrenia : a 5-year follow-up study, Nordic Journal of
Psychiatry, DOI : 10.1080/08039488.2022.2042598
https://doi.org/10.1080/08039488.2022.2042598

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