Pair-aidance en santé mentale : douze mémoires de la promo 2022 à parcourir !

Chaque année, dans le cadre du DU de pair-aidance en santé mentale, les étudiants sont invités à réaliser un mémoire de fin d’étude. Ces derniers permettent d’explorer une thématique en lien avec la pair-aidance en santé mentale. Dans cet article, nous vous invitons à découvrir les résumés de 12 mémoires réalisés cette année. La diversité des thématiques abordées témoigne de la richesse et de la grande variété de missions que peuvent effectuer les pair.es aidant.es en santé mentale. Ainsi, ces douze excellents travaux s’intéressent à l’intégration de la pair-aidance dans le cadre de l’accompagnement de différents troubles ou conditions neurodéveloppementale (trouble de la rêverie compulsive par exemple) ; à différents moments du parcours de soin (maternité, centres d’orthogénie, processus de sortie d’hospitalisation en psychiatrie) ; en lien avec différentes médiations (médiation animale par exemple) ; ou sur des thématiques spécifiques (le rôle du pair-aidant comme traducteur pour les professionnels ; la supervision et intervision des pratiques de pair-aidance ; l’accompagnement des soignants à une meilleure compréhension des usagers via la construction d’outils) et au rôle de la pair-aidance dans la lutte contre la stigmatisation.

Intégrer la pair-aidance auprès de personnes souffrant d’un trouble de la rêverie compulsive par Caroline Bee

Rêver éveillé est tout à fait courant et nous le faisons toutes et tous, mais lorsque ces rêveries deviennent envahissantes, addictives, compulsives, qu’elles impactent notre vie sociale, professionnelle, et personnelle, on parle alors de trouble de la rêverie compulsive. Défini il y a une vingtaine d’année par le psychiatre Pr Eli Somer, le trouble de la rêverie compulsive (maladaptive daydreaming, en anglais) ne figure pas dans le DSM-V ou dans la CIM-10, mais il a tout de même été clairement décrit et étudié. Deux échelles permettent de l’évaluer, et on sait qu’il possède un haut taux de comorbidités (trouble de l’attention, trouble anxieux, trouble dépressif, TOC). Les personnes concernées forment une communauté très active sur Internet, échangeant conseils, actualités ou témoignages via des blogs ou des forums dédiés. Ces formes d’échange, qui se rapprochent d’une forme de pair-aidance amateur, ont mené Caroline Bee à s’interroger sur l’intérêt de la pair-aidance professionnelle pour les personnes vivant avec un trouble de la rêverie compulsive. C’est à cette question que ce mémoire, le premier travail sur le sujet, propose de répondre.

Pair aidance : le chien, un tiers vers la relation d’aide par Lise Boucheix

Meilleur ami de l’Homme, le chien est utilisé dans de nombreux domaines pour venir en aide à l’humain : conduite de troupeaux, assistance aux personnes aveugles… Lise Boucheix, constatant tout ce que son chien avait pu lui apporter dans son parcours de rétablissement, a choisi de l’intégrer à sa pratique lors du stage qu’elle a effectué dans un centre de réhabilitation psychosociale dans le cadre de sa formation de pair-aidante. Dans son mémoire, elle relate son expérience unique de pair-aidante accompagnée d’un chien de médiation, mais elle apporte aussi un éclairage théorique à sa pratique. Elle développe les activités que l’on peut mettre en place avec un chien de médiation, ainsi que leurs bienfaits (développement des habiletés sociales pour le biais des balades, par exemple).

Les rôles de la pair-aidance dans le processus de sorties d’hospitalisation en psychiatrie par Basile Bucher

Si l’hospitalisation en psychiatrie peut être synonyme de soin et d’accompagnement, elle peut aussi être synonyme d’exclusion, d’isolement, et vécue comme violente. Pour les personnes psychiatrisées, la sortie d’hospitalisation est un moment particulièrement complexe, du fait notamment de la stigmatisation et de l’exclusion qu’elles vivent dans la société. Actuellement, la sortie d’hôpital est plus attendue que préparée, et elle mène souvent à une rupture des soins. Pour Basile Bucher, la sortie d’hôpital est un processus qui doit être préparé, et dans lequel la pair-aidance a toute sa place. Tout l’enjeu étant d’accompagner la personne à sortir de l’hôpital mais à rester dans les soins, et à devenir actrice de ses soins. Dans ce mémoire, Basile Bucher apporte un éclairage à la fois théorique et pratique sur l’hospitalisation, sur le processus de sortie de l’hôpital, et enfin sur les rôles de la pair-aidance dans ce processus. Quelques rôles de la pair-aidance dans ce scénario sont par exemple de favoriser l’alliance thérapeutique, d’aider à la rédaction de DAP (Directives Anticipées en Psychiatrie) ou encore de lutter contre l’auto-stigmatisation.

La pair-aidance comme pont entre les femmes enceintes ayant des troubles psychiatriques et les professionnels de santé dans les services de maternité : Recherche et création du Kit de Soutien en rétablissement pour Femmes enceintes (KitS) par Pascaline Javault

La grossesse est une période de vulnérabilité pour toutes les femmes, avec des changements physiques et hormonaux importants. C’est une période d’autant plus difficile pour les femmes qui vivent avec un trouble psychique : les repères et la stabilité dont elles ont besoin sont chamboulés, mais elles sont aussi trop souvent victimes de stigmatisation de la part des professionnel-les de santé dans les services de maternité. Par peur des conséquences de cette stigmatisation, qui peuvent aller jusqu’au placement de l’enfant à sa naissance, ces femmes peuvent être amenées à ne pas dévoiler leur désir d’enfant à leur psychiatre, ou à ne pas dévoiler leur trouble psychique au service de maternité. Pour son mémoire, Pascaline Javault s’est entretenue avec des jeunes mères qui présentent un trouble psychique, ainsi qu’avec des sages-femmes. De ces entretiens, elle a ressorti la nécessité de créer un outil qui permettrait aux jeunes mères de gagner en confiance en elles pour communiquer effectivement avec l’équipe médicale pendant le suivi de grossesse. Elle a donc élaboré le Kit de Soutien en rétablissement pour Femmes enceintes (KitS), qu’elle présente dans son mémoire. Elle travaille par ailleurs à construire Pair et mères, une structure d’accompagnement des mères et futures mères par la pair-aidance.

Dans quelle mesure, la pair-aidance pourrait-être bénéfique auprès des personnes concernées et des soignants en centres d’orthogénie ? par Chloé Jung-Kuss

Les centres d’orthogénie sont des centres où sont pratiqués des Interruptions Volontaires de Grossesse (IVG). Dans le climat politique actuel, qui remet en question ce droit fondamental, Chloé Jung-Kuss a voulu s’emparer de ce sujet en réfléchissant aux rôles de la pair-aidance en centre d’orthogénie. Bien qu’une IVG soit une décision consciente et volontaire, elle peut provoquer des sentiments de honte, de culpabilité, ou un mal être chez la personne qui la vit, et d’autant plus chez la personne concernée par un trouble psychique. Dans ce mémoire, Chloé Jung-Kuss nous livre d’abord sa propre expérience, avant de présenter les résultats d’entretiens avec des professionnel-les en centre d’orthogénie, puis de proposer des pistes pour l’intégration de la pair-aidance dans ces centres. Pour elle, la pair-aidance en centre d’orthogénie doit permettre d’œuvre à un meilleur lien entre soignant-es et soigné-es et de limiter les risques de traumatismes suite à une IVG.

Le pair-aidant autiste peut-il être un traducteur pour les professionnels ? par Jérôme Laffez

Dans son mémoire, Jérôme Laffez présente d’abord un historique de la pair-aidance et de la notion de rétablissement, il relate l’évolution de la connaissance de l’autisme par le grand public avant d’entrer dans le cœur du sujet : le rôle de traduction que peuvent jouer les pair-aidant-es autistes pour les professionnel-les. Afin de mener à bien ce travail, Jérôme Laffez a diffusé un questionnaire auprès de professionnel-les de différentes structures. À la première question, « Un traducteur pair-aidant formé à la santé mentale vous semble-t-il bénéfique pour vos équipes ? », une majorité a répondu oui. En effet, le trouble du spectre autistique touche au langage dans toute sa complexité. Dans son mémoire, Jérôme Laffez développe comment les pair-aidant-es autistes peuvent, à partir de leur savoir expérientiel, intervenir pour faciliter la communication entre la personne autiste et son équipe médicale, mais aussi pour donner espoir et rompre l’isolement que peuvent vivre les personnes autistes.

Supervision et intervision de la pratique de pair-aidance en santé mentale en France par Sandrine Laurendeau

Ce sujet de mémoire est apparu à Sandrine Laurendeau à partir de deux expériences qu’elle a vécues : tout d’abord des moments difficiles qu’elle a traversés en tant que pair-aidante bénévole sans savoir comment les gérer, puis des moments de supervision et d’intervision qu’elle a partagés lors de ses formations d’abord en tant qu’art-thérapeute puis lors du DU de pair-aidance. La supervision est un dispositif de formation professionnalisant, où un-e professionnel-le supervise, de manière individuelle ou groupée, la personne en formation. L’intervision est un moment de partage entre personnes d’une même équipe, souvent facilité par une personne extérieure. L’hypothèse développée dans ce mémoire est que ces deux pratiques seraient bénéfiques à la formation professionnelle des pair-aidant-es, à la fois dans leur formation initiale et dans leur formation continue tout au long de leur carrière. En effet, le métier de pair-aidant-e peut mener à des émotions intenses, et la supervision tout comme l’intervision peuvent aider à préserver une approche bienveillante, mais aussi la capacité de discernement ainsi que le recul nécessaire à l’exercice du métier.

Comment former à « l’éducation thérapeutique du soignant » et libérer la parole du patient ? par Alexandra Sturer

Le travail d’Alexandra Sturer part du constat que les professionnel-les de santé ont une connaissance théorique et académique des troubles psychiques et du neurodéveloppement, mais qu’il leur manque une compréhension de la « symptomatologie subjective » de leurs patient-es. C’est son propre psychologue qui lui a suggéré de créer un outil pour mieux faire comprendre sa symptomatologie à son entourage, qu’il soit professionnel, médical, amical, ou familial. L’outil qu’elle a créé est un support audiovisuel nommé Les interactions sociales vues de l’intérieur. C’est suite aux réactions positives de son entourage, notamment médical, à cette vidéo qu’Alexandra a voulu réfléchir plus en profondeur à comment ce type d’outil peut aider les soignant-es à mieux comprendre ce que vivent leurs patient-es. Les entretiens qu’elle a menés auprès de professionnel-les pour ce mémoire montrent que de tels outils permettraient de prendre en charge les patient-es de façon plus écologique et de réduire leur stress lors de consultation. Pour Alexandra Sturer, ce type d’outils a vocation à être adapté à différents troubles, et à être diffusé de manière large non seulement au corps médical mais aussi par exemple en milieu scolaire.

Pair-aidance et trouble de la personnalité borderline : dépasser les limites de la stigmatisation par Arjin Uludag-Martin

Le trouble de la personnalité borderline (TPB) est un trouble psychique qui se caractérise par « une instabilité marquée des émotions, pouvant conduire à des comportements auto-dommageables, ainsi que par la perturbation des relations interpersonnelles liée à une peur de l’abandon et du rejet. » Il altère significativement la qualité de vie des personnes concernées. Malgré un pourcentage important de personnes concernées, le TPB reste mal connu, à la fois de la population générale et des professionnel-les de santé, et les patient-es souffrent de stigmatisation à la fois dans la société et dans les soins. Les patient-es vivant avec des TPB sont vu-es comme difficiles par les soignant-es, et leur souffrance est moins prise au sérieux. Cette stigmatisation aggrave l’isolement et elle entrave le rétablissement des personnes concernées. Partant de son expérience et d’apports théoriques importants, Arjin Uludag-Martin formule l’hypothèse que la pair-aidance pourrait compléter les thérapies spécialisées pour les personnes vivant avec un TPB. Son travail montre que l’accompagnement par un-e pair-aidant-e pourrait accroître l’espoir chez les personnes et favoriser la compréhension des informations transmises pendant un groupe de psychoéducation, mais qu’il pourrait aussi mener les soignant-es à considérer les domaines que la personne veut développer dans une optique de rétablissement personnel et non plus de simple guérison. Alors qu’il existe encore peu de pair-aidant-es pour le TPB, ce mémoire ouvre des pistes de réflexion et appelle à plus de recherche sur le sujet.

La pair-aidance pour aider à rompre les tabous et les dénis des troubles et maladies psychiques par Coline Attal

Encore aujourd’hui, les troubles psychiques sont entourés de honte, de secret, voire même de tabou et de déni à la fois dans la société et dans les familles. Les stéréotypes, les préjugés, et la stigmatisation sont tenaces, et ils sont autant d’obstacles au rétablissement pour les personnes concernées. En effet, les personnes vont hésiter à consulter, et elles vont rester discrètes sur leur trouble de peur, notamment, d’être mises à l’écart. Cependant, la situation évolue : depuis quelques années, on assiste à une certaine libération de la parole des personnes concernées, mais aussi de leurs proches, dans la société. Les livres, films, séries… qui traitent des troubles psychiques se multiplient. Dans son mémoire, Coline Attal s’attache à montrer les rôles que peut jouer la pair-aidance dans ce processus de déstigmatisation en marche. Les pair-aidant-es en effet peuvent jouer un rôle de médiation, traduction et libération de la parole auprès des professionnel-les de santé mais aussi du grand public.

La posture du pair-aidant dans la rencontre avec l’institution, Sarah Jones

Si la pair-aidance n’est pas nouvelle, sa professionnalisation, elle, est relativement récente. Les nouveaux et nouvelles professionnel-les de la pair-aidance doivent trouver leur place au sein de l’institution de la psychiatrie. C’est justement à la posture que les pair-aidant-es peuvent adopter pour évoluer dans cette institution que Sarah Jones s’est intéressée dans son mémoire. Elle propose de réfléchir au paradoxe auquel sont confronté-es les pair-aidant-es qui évoluent dans une institution qui a pu par le passé leur faire du mal, et dont les pratiques peuvent être remises en question. Elle questionne les modalités d’intégration des pair-aidant-es dans les services de soin, en soulignant les réticences que peuvent avoir les soignant-es à intégrer en tant que collègue une personne qui a pu être patient-e de la psychiatrie. À partir de ces réflexions, puisées dans la théorie et dans sa pratique, elle développe dans une troisième partie ce qu’elle appelle la « posture bricolée/évolutive » qu’adoptent les pair-aidant-es, en insistant sur le fait que la pratique des pair-aidant-es professionnel-les est toujours en évolution, et que le métier reste encore largement à inventer.

Le rétablissement en psychiatrie au regard des droits de l’Homme : une évolution entre la contrainte juridique et l’innovation sanitaire et sociale par Magali Lavirotte

Forte de sa formation initiale en droit internationale et de son expérience d’usagère de la psychiatrie, Magali Lavirotte a choisi d’analyser le déploiement en cours de l’approche orientée rétablissement en psychiatrie au prisme des droits de l’Homme. Dans son mémoire, elle nous livre d’abord une définition et un historique des droits de l’Homme et rappelle une vérité fondamentale : la simple reconnaissance des droits ne suffit pas à contraindre les États et autres acteurs à les respecter. Ainsi, les droits de l’Homme restent trop souvent bafoués, et notamment ceux des personnes en situation de handicap physique ou psychique. Ainsi, plus de la moitié des soignant-es enquêté-es dans le cadre de ce mémoire considèrent que la psychiatrie n’est pas un domaine qui respecte les droits de l’Homme. Pour Magali Lavirotte, la diffusion de l’approche orientée rétablissement fait cependant évoluer la discipline et place l’usagèr-e non plus comme un « objet de soin » mais comme un « sujet de droit. » Elle conclut son mémoire en citant des dispositifs « orientés Droits de l’Homme », qui pourraient ou qui sont en train d’être mis en place en psychiatrie (diffusion des Directives Anticipées en Psychiatrie, déploiement de la pair-aidance, programmes contre la stigmatisation…).


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