Le rétablissement vu par l’association ESPERANCE 63

Entretien avec Béatrix LEFEBVRE, cheffe de service du SAMSAH rétablissement de l’association Espérance 63 à Clermont-Ferrand

Le SAMSAH rétablissement de l’association Espérance 63 propose 16 places à destination de personnes présentant des troubles psychiques sévères. Il a ouvert le 1er septembre 2019. Béatrix LEFEBVRE coordonne l’équipe du SAMSAH rétablissement depuis sa création. Elle a donc supervisé sa mise en place, accompagne les équipes dans le développement de nouvelles compétences en lien avec les exigences de la réhabilitation psychosociale et du rétablissement en milieu écologique. Elle les invite à tisser un maximum de liens partenariaux sur leur territoire et à envisager cette offre comme un tremplin vers l’autonomie et le milieu ouvert pour des personnes désireuses de s’émanciper de leurs troubles et de mieux fonctionner au quotidien.

Comment percevez-vous l’offre rétablissement au sein de votre offre globale d’accompagnement ?
L’équipe n’a pas vécu l’offre rétablissement comme une rupture. Nous ne l’avions certes pas nommé de la même façon mais notre posture d’accompagnement était celle que requiert le rétablissement, en appui à l’autodétermination des personnes, et sans jamais imposer un parcours qui ne soit pas pensé de façon concertée avec l’usager et mobilisant son pouvoir d’agir. Nous avons répondu à l’appel à projets parce que nous étions prêts à relever ce nouveau défi et désireux d’étoffer notre palette d’outils et de savoir-faire. Cette expérience SAMSAH rétablissement donne du relief à nos pratiques. Elle nous a permis de nous requestionner sur nos acquis, nos savoir-être à travers l’appropriation de nouveaux outils comme les échelles d’autoévaluation psychométriques, dont on perçoit aujourd’hui la puissance dans nos accompagnements. La présence de professionnels infirmiers est également décisive. C’est un regard et une approche qui enrichissent l’équipe, une expertise technique qui nous manquait dans nos accompagnements. Elle nous éclaire au quotidien sur des situations complexes et nous apporte des repères.
En quoi cette offre fait-elle sens pour vous ?
Cette offre fait sens en ce qu’elle répond à un besoin des usagers de notre territoire. Certes, elle manque encore de visibilité et de lisibilité pour que les usagers s’adressent à nous directement et sollicitent cette modalité d’accompagnement spécifiquement, mais c’est un travail de communication et de valorisation au long cours. Cette offre fait sens aussi parce qu’elle incarne une posture où l’autonomie de la personne est recherchée. C’est le fondement et la finalité de toutes nos actions. En ce sens, cette offre va résolument à rebours des perspectives fatalistes – encore trop souvent présentes - pour lesquelles le handicap et la sévérité des troubles constitueraient un obstacle à l’émancipation. Nous ne nions pas les difficultés que rencontrent les personnes mais nous les évaluons à l’aune de leurs forces et de leurs ressources. Nous identifions son projet avec l’usager et révélons ensemble les obstacles qui lui rendent son projet difficile à accomplir, sans appui. Nous avançons par petits pas et chaque petit pas est une victoire. « Que va-t-on mettre en œuvre pour vous accompagner vers ce projet ? » « Quelles en seront les étapes ? ». Peu importe la nature du projet, nous sommes là pour encourager l’usager à se saisir de ses forces et ressources pour le mener à bien.

Quels sont selon vous les principaux effets de cette nouvelle offre d’accompagnement ?
Avec le SAMSAH rétablissement, nous avons développé avec les usagers un lien qui nous permet d’aborder des thématiques clef dans un parcours, comme la sévérité et l’évolution des troubles de la santé mentale afin qu’ils puissent porter un regard plus objectif sur leur traitement et mieux comprendre en quoi l’observance est fondamentale pour avancer dans son projet de vie. Nous pouvons anticiper les risques de décompensation et amorcer une hospitalisation si celle-ci doit s’imposer, sans qu’il faille en passer par une intervention d’urgence, sans consentement. Le SAMSAH rétablissement apporte ce dialogue, comme le faisait déjà le SAVS, mais avec cette particularité d’amener l’usager à prendre soin de lui à travers la psychoéducation, l’accès aux soins de routine (médecin traitant, gynécologue, dentiste, cardiologue, addictologue…). Nous aidons l’usager à mobiliser l’offre de soins qu’il pouvait jusqu’à présent considérer comme accessoire, ou ne pas considérer du tout. Avec une espérance de vie de 15 à 20 ans moindre, des comorbidités addictives très présentes, c’est notre rôle de recréer des passerelles vers les soins somatiques, souvent peu investis. Un autre point positif, c’est le lien que l’expérience SAMSAH rétablissement nous a permis de générer avec le sanitaire et notamment la réhabilitation psychosociale. Nous nous connaissions de loin, aujourd’hui nous travaillons ensemble, nous partageons des outils, nous participons ensemble à des comités de suivi, nous échangeons sur des situations complexes. Le Centre référent conjoint de Clermont-Ferrand nous forme, nous outille, nous accueille pour des immersions. Cette expérience nous a véritablement ouvert à d’autres partenaires, d’autres manières de coopérer et de faire coalition autour des personnes.

Quels sont les défis principaux que vous identifiez après 2 ans de fonctionnement ?
Nos défis sont nombreux. Pour commencer, nous devons atteindre notre file active, ce qui est imminent. Nous avons aussi l’ambition de nous rapprocher encore davantage de la réhabilitation sanitaire et de nous positionner en relai de ses accompagnements, en les transposant en milieu écologique. C’est un axe de développement important pour nous. Un autre défi, massif, est celui de l’équité de traitement. Comment assurer un soin et un accompagnement de qualité, quelle que soit la zone géographique d’habitation des usagers ? C’est un véritable enjeu pour nous et une exigence de l’ARS. Notre territoire est vaste. Comme lutter contre les zones blanches ? Quelles innovations proposer qui soient à la fois nomades et agiles et qui puissent s’adapter aux besoins des usagers où qu’ils se trouvent ? C’est un vaste chantier et nous y sommes.

Quels sont vos principaux projets pour 2022 ?
Nos principaux projets portent sur la formation. Nous poursuivons la démarche engagée. Case management, appui à l’appropriation et à la restitution des échelles psychométriques, entretien motivationnel pour l’abord des conduites à risque en lien avec la consommation de substances. Nous rencontrons beaucoup d’usagers en difficulté avec leurs dépendances. Ce sont des freins au rétablissement et nous souhaitons véritablement nous outiller pour mieux les accompagner/orienter. Innover également pour plus d’équité dans nos accompagnements, c’est également un axe stratégique fort sur lequel nous travaillons.