Les troubles de la cognition sociale – processus qui sous-tendent les capacités d’interaction sociale tels que la reconnaissance et la compréhension des émotions, la capacité à inférer les pensées, intentions ou croyances d’autrui (théorie de l’esprit), l’habileté à tenir compte du contexte dans une situation sociale donnée (perception sociale) et à trouver des explications équilibrées concernant les causes des situations positives et négatives dans lesquelles nous sommes impliqués (style attributionnel) – touchent une majorité des personnes qui souffrent de troubles psychiatriques. Pourtant ces difficultés sont souvent peu évaluées ou à l’aide d’outils ne possédant pas les qualités psychométriques adéquates.
En France, plusieurs équipes travaillent à l’élaboration d’outils ou de batteries permettant une évaluation plus fines de ces difficultés. C’est dans ce contexte, et de manière complémentaire aux batteries existantes, que nos équipes – appartenant au CH le Vinatier, au CH Sainte Anne et au CHU de Tours – se sont regroupées pour développer la batterie ClaCoS (Consensus autour de l’évaluation de la Cognition Sociale). L’objectif de cette batterie est de proposer une évaluation subjective et objective de la cognition sociale en sélectionnant et/ou développant des outils d’évaluation pertinents d’un point de vue clinique et scientifique.
Cette batterie est actuellement en cours de validation et l’article paru dans Schizophrenia Research : Cognition, Peyroux et al., est un premier débouché de ce travail amorcé en 2013. Dans cet article nous avons évalué les différents processus de cognition sociale d’une population de personnes souffrant de schizophrénie et étudié les liens entre ces déficits et les symptômes positifs et négatifs de la pathologie. Pour mener cette recherche, nous avons effectué une classification ascendante hiérarchique en utilisant les scores obtenus à la PANSS de 70 personnes souffrant de schizophrénie. Nous avons comparés ainsi les résultats aux différents tests de cognition sociale de la batterie ClaCoS les deux groupes de patients – négatifs versus positifs – à une population de 50 individus contrôles appariés.
Les résultats mettent en évidence l’existence de deux profils de cognition sociale en fonction de la symptomatologie en ce qui concerne la reconnaissance des émotions et les capacités de théorie de l’esprit :
- les patients présentant majoritairement des symptômes négatifs ont de moins bonnes performances que ceux présentant des symptômes positifs et que la population de référence sur la tâche de reconnaissance des émotions faciales.
- En ce qui concerne la théorie de l’esprit, les patients présentant majoritairement des symptômes positifs présentent une tendance plus importante à la surinterprétation que ceux présentant des symptômes négatifs et que la population de référence.
- Les deux groupes de patients présentent des difficultés significatives comparés à la population de référence sur les tests évaluant la perception sociale et le style attributionnel. Cependant, bien que l’on observe des différences qualitatives entre ces deux groupes cliniques, aucune différence quantitative n’a pu être mise en évidence.
Ces résultats montrent que les différents profils de déficits de cognition sociale dépendent plus des caractéristiques cliniques des personnes (symptômes positifs ou négatifs), que de leur diagnostic. Ils mettent en évidence la nécessité d’évaluer la symptomatologie en parallèle des processus de cognition sociale. Par ailleurs, ce travail met également en exergue la nécessité d’adapter les outils de remédiation cognitive ciblant la cognition sociale aux profils de difficultés des personnes en non à leur diagnostic.