[À lire] La place de la santé sexuelle dans le rétablissement

La santé sexuelle est une composante importante de la qualité de vie, elle fait partie intégrante de la santé globale au même titre que la santé physique et la santé psychique. Ce facteur important peut entraver le rétablissement des personnes s’il n’est pas investigué et accompagné. Au C3R de Grenoble, il a été choisi de prendre en considération la dimension sexuelle dans l’accompagnement global vers le rétablissement des personnes. Cet article est un partage d’expériences de leurs pratiques de sexologie.

Introduction

La santé sexuelle est de plus en plus prise en compte dans les parcours de soins.
En témoigne la feuille de route de stratégie nationale de santé sexuelle, émise pour la première fois en 2017. Elle vise la promotion de la santé sexuelle des personnes vivant avec. des troubles psychiques, prises en charge par des équipes sanitaires (action n°19). Ainsi, c’est dans ce cadre que s’intègre notre pratique.

Les troubles sexuels concernent 40% des femmes et 30% des hommes en population générale(1). Pour les personnes porteuses de troubles psychiques, la fréquence des troubles sexuels peuvent concerner jusqu’à 70% des hommes et 50% des femmes porteurs de troubles psychotiques(2), 40 à 65% des personnes ayant un trouble dépressif avant instauration d’un traitement antidépresseur(3). Pour les personnes en incongruence de genre, le risque suicidaire est important (77% des personnes expérimentent des idées suicidaires et 47% font des tentatives de suicides(4)).

Ces chiffres nous montrent qu’il est primordial d’accompagner ces personnes dans un parcours adapté. L’action combinée des troubles liés aux pathologies et des traitements médicamenteux majore l’impact sur le fonctionnement sexuel, sur l’inobservance médicamenteuse. De plus, elle engendre un déséquilibre de la qualité de vie : plus grands risques de rechutes, de ré hospitalisations, perte de confiance en soi, majoration du vécu négatif de la maladie.

Ces constats montrent l’importance du dépistage et de l’interrogation du vécu. L’orientation vers des professionnels formés pour accompagner ces difficultés sexologiques permet d’améliorer la qualité de vie des personnes.


Aborder la sexualité

Dans un premier temps, l’abord de la santé sexuelle ne nécessite pas de diplôme particulier pour un soignant. Sa formation initiale, en tant que médecin, infirmier, psychomotricien, ergothérapeute, etc… le rend légitime à entendre paroles et plaintes de la personne en soin.

Les besoins exprimés par les usagers de soins en réhabilitation psycho-sociale en matière de santé sexuelle, sont de :

  • parler/s’exprimer autour des craintes, des peurs, des projets parentaux, des attentes affectives…
  • être écouté/entendu
  • être informé sur ce que l’on peut/ne peut pas faire, les liens avec les traitements…
  • être rassuré
  • être traité/accompagné si indiqué/nécessaire 5.

Les quatre premiers points peuvent donc être abordés par tout soignant, l’objectif étant de recueillir la plainte du sujet. Nous avons choisi au C3R d’offrir cet espace de parole lors de la réalisation du PSI (Plan de Suivi Individualisé). Ce document, réalisé à l’entrée, conjointement entre le case manager et l’usager représente un état des lieux dans les différentes dimensions humaines de l’usager. Également, il permet de co-définir ses objectifs d’évolution dans tous les domaines de vie (habitudes vie quotidienne, santé, relations interpersonnelles, formations et/ou emploi, loisirs, spiritualité, et la sexualité).

En effet, même si ce sujet reste bien souvent tabou dans notre société, l’impact de la santé sexuelle sur les autres domaines de vie et inversement n’est plus à démontrer. Il est donc de notre rôle de soignant d’en prendre note afin d’accompagner la personne dans sa globalité. En cas de difficultés dans la sphère sexuelle, et s’il s’avère important de traiter ou d’accompagner de manière spécifique, l’orientation vers un sexologue sera de mise.


Que peut-on traiter en sexologie ?

Les problématiques pouvant être accompagnées en sexologie sont diverses : troubles du désir, du plaisir, de l’orgasme, troubles de l’érection, de l’éjaculation, dyspareunies (douleurs lors des rapports sexuels), vaginismes (difficultés lors de la pénétration), incongruence de genre, questionnements sur l’orientation sexuelle, difficultés sexuelles en lien avec des traumatismes ou toute autre question de santé sexuelle sur les pratiques, les normes sociétales supposées…


Accompagnement en sexologie au C3R

Au C3R, l’usager peut bénéficier d’un accompagnement individuel par une infirmière –sexologue ou une psychomotricienne-sexologue, de diverses manières :

> Par le biais du PSI : si une plainte sexuelle est énoncée, alors il lui sera automatiquement proposé cet accompagnement. La personne est libre de refuser, le but n’est pas de normer les parcours des personnes. L’usager peut aussi en faire la demande au cours de son accompagnement : en sollicitant son coordinateur qui enverra une demande d’accompagnement en sexologie. Il est enfin possible de faire cette demande de manière spontanée : une affiche et des flyers sont à disposition de tout usager du C3R (avec les adresses mail des professionnelles formées en sexologie), dans la salle d’attente, avec pour objectif de limiter les biais de recrutement.

Après un premier entretien où est réalisée une anamnèse approfondie, tenant compte du modèle bio-psycho-social, il pourra être proposé à l’usager, un accompagnement spécifique :

  • Sexoéducation (anatomie, mécanismes physiologiques, impacts des traitements, représentations…)
  • Déstigmatisation, travail de réassurance
  • Travail psychocorporel (gestion des émotions, confiance en soi, abord sexocorporel…)
  • Traitement des dysfonctions sexuelles en collaboration avec les médecins traitants, psychiatres…
  • Accompagnement vers le réseau : urologue, MT, psychiatre, gynécologue, associations. (Planning Familial, RITA, AIDES, AIV etc…)
  • Si actuellement tous les accompagnements en sexologie au C3R se font en individuel, nous envisageons la possibilité de proposer ce type d’accompagnement également en groupe. En effet, nous sommes conscientes de l’effet porteur de l’accompagnement groupal et de l’impact du retour des pairs. Nous avons d’ores et déjà réalisé un programme d’ETP autour de la séduction qui s’avérait être une forte demande des usagers suivis.


Conclusion

Investiguer et accompagner des difficultés en lien avec la sexualité, si elles existent, est donc
fondamental si l’on veut accompagner la personne vers le rétablissement en prenant en compte tous les aspects de sa vie. Cela permet aux personnes de mieux accepter le traitement médicamenteux, améliore la qualité de vie et le niveau de satisfaction lié à celle-ci, aide à lareprise de confiance en soi et à l’empowerment, fondamental dans le chemin du rétablissement.


Auteures

Émilie COLIN
infirmière-sexologue
ecolin chez ch-alpes-isere.fr

Bérengère TONNOT
psychomotricienne-sexologue
btonnot chez ch-alpes-isere.fr

C3R - Centre Référent de Réhabilitation psychosociale et de Remédiation cognitive
Centre Hospitalier Alpes-Isère
38400 Saint Martin d’Hères


En supplément

En mai dernier, Émilie Colin et Bérengère Tonnot sont intervenues sur le sujet de la santé sexuelle dans le cadre de la journée réseau de réhabilitation psychosociale. Vous pouvez revoir leur conférence sur ici.