Recherches

Un article paru dans Psychiatry Research en novembre 2019 “Functioning and cognitive characteristics of clozapine users referred to psychosocial rehabilitation centers : A REHABase cohort study” propose une étude comparative des caractéristiques cliniques, cognitives, et de fonctionnement au quotidien des personnes traitées par Clozapine par rapport à celles traitées par un autre antipsychotique.

Contexte :

L’utilisation de la Clozapine est essentielle pour permettre la rémission clinique des personnes souffrant de schizophrénie résistante au traitement. De nombreuses études ont montré l’efficacité clinique de cette molécule dans cette population (1), mais peu se sont intéressées directement à l’impact que pouvait avoir cette molécule sur le rétablissement de ces sujets. Afin de connaître mieux les besoins spécifiques en termes de réhabilitation psychosociale des personnes souffrant de schizophrénie résistante traitées par Clozapine, il apparaît indispensable de connaître leur profil cognitif et fonctionnel.

Méthode :

Une étude réalisée en 2019 a donc proposé de comparer, à partir des données de la cohorte REHABASE (2), les caractéristiques cliniques, cognitives, et de fonctionnement au quotidien des personnes traitées par Clozapine par rapport à celles traitées par un autre antipsychotique. Les résultats aux outils d’évaluation suivants ont pu être comparés :

  • Échelle de fonctionnement global GAF et de sévérité de la pathologie CGI (Clinical Global Impression severity)
  • Échelle de rétablissement STORI (STage Of Recovery Instrument)
  • Échelle de qualité de vie S-QoL18 (Schizophrenia Quality of Life-18) et de bien être mental WEMWEBS (Warwick-Edinburgh Mental Well-Being Scale)
  • Échelle de stigmatisation internalisée ISMI (Internalized Stigma of Mental Illness)
  • Échelle d’estime de soi de Rosenberg RSE (Rosenberg Self-Esteem scale)
  • Échelle de conscience du trouble de Birchwood BIS (Birchwood Insight Scale)
  • Échelle d’adhésion au traitement MARS (Medication Adherence Rating Scale)
    Les évaluations cognitives ont été réalisées à l’aide de :
  • Le subtest mémoire de chiffre de la WAIS (The digit span of the Wechsler Adult Intelligence scale 3rd edition) évaluant la mémoire de travail
  • Le test des commissions évaluant les fonctions exécutives

Des analyses statistiques multivariées ont permis de comparer les résultats à ces outils d’évaluation entre les personnes souffrant de schizophrénie traitées par Clozapine, et celles traitées par un autre antipsychotique.

Résultats :

Seulement 10,4 % des sujets de cet échantillon étaient traités par Clozapine. Les caractéristiques cliniques ne différaient pas significativement entre les deux groupes. Un nombre d’hospitalisations plus important était logiquement retrouvé chez les sujets traités par Clozapine, ainsi qu’une consommation moindre d’alcool et de cannabis. Aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les deux groupes concernant les échelles de fonctionnement et les évaluations cognitives portant sur les fonctions exécutives. De moins bonnes performances en mémoire à court terme ont été repérées chez les sujets traités par Clozapine en comparaison à ceux traités par un autre antipsychotique ( = - 0,97 (-1,92 ; - 0,02) p = 0.046).

Discussion :

La prévalence de la schizophrénie résistante en population générale est de 20 à 30 % (3). Il serait logique de retrouver un taux de prescription de Clozapine proche de ces valeurs. Or, la prévalence de prescription de Clozapine retrouvée dans cette étude est de 10,4 %, donc nettement inférieure à ce qui est attendu. Ce faible taux de prescription de Clozapine observé dans REHABase n’est cependant pas surprenant, et reste légèrement supérieur au très faible taux de prescription de la Clozapine en France, parmi les plus faibles au monde (4). Ce résultat confirme la nécessité de lutter contre les principaux freins à la prescription de Clozapine, dont le manque d’expérience des praticiens concernant la manipulation de cette molécule et la crainte des effets secondaires potentiels (5). Il serait pertinent de développer en France des équipes spécialisées dans l’aide à la prescription de cette molécule, telles qu’elles existent déjà dans d’autres pays.

Bien que leur pathologie soit plus sévère, les sujets traités par Clozapine ne différaient pas de ceux traités par un autre antipsychotique concernant les échelles de fonctionnement. Ce résultat est particulièrement encourageant et montre qu’une fois que la Clozapine est prescrite, les personnes souffrant de schizophrénie résistante peuvent atteindre un niveau de rétablissement comparable à celui obtenu avec d’autres antipsychotiques chez les personnes souffrant de schizophrénie sans critères de résistance.

Enfin, les sujets traités par schizophrénie présentaient de moins bonnes performances en mémoire à court terme. Ce résultat est à considérer avec d’autant plus de prudence que les sujets traités par Clozapine se voyaient prescrire en association dans 31 % des cas un anxiolytique, et dans 9 % des cas un anticholinergique, molécules susceptibles d’altérer également la mémoire à court terme. De plus, ces coprescriptions potentialisent le risque d’effets secondaires (en particulier sédation et hypomotilité intestinale). La création de supports aidant à la prescription de Clozapine permettrait de diffuser les connaissances sur les modalités de prescription de ce traitement (5).

Verdoux H, Quiles C, Cervello S, Dubreucq J, Bon L, Massoubre C, et al.
Functioning and cognitive characteristics of clozapine users
referred to psychosocial rehabilitation centers : A REHABase cohort study.
Psychiatry Res. 2019 ;281:112543.