Echos du terrain avec Fabien GRECO, chef de service SAMSAH ALGED pôle réhabilitation

Fabien Gréco est chef de service SAMSAH ALGED pôle réhabilitation, dans le Rhône. Il a accepté de partager son vécu de la crise sanitaire et la façon dont le SAMSAH se réorganise et s’adapte en fonction de l’évolution de la situation.

La gestion de la crise sanitaire a sollicité et sollicite pour les établissements médicosociaux des prises de décision dans l’urgence, et dans l’incertitude de l’évolution de l’épidémie. Qu’est-ce qui vous a aidé à élaborer votre stratégie d’accompagnement ? Qu’est-ce qui vous a manqué ?

Mon équipe s’est constituée en ressource dès avant la crise. En effet, le lundi (jour de réunion), la veille des premières annonces des mesures de distanciation sociale, les professionnels se sont projetés en situation de crise (notamment en redéfinissant les accompagnements pour ne limiter les VAD qu’à celles étant « médicalement indispensables »). L’équipe a ainsi fait preuve d’une adaptabilité remarquable pour que l’on puisse envisager dans l’urgence et de façon structurée cette période inédite où il nous faut à la fois repenser nos façons de travailler avec les usagers et en équipe. Nous avions évoqué cette pratique de case management en réunion avec vous, cette pratique prend toute sa force ici, nous nous assurons que les usagers ne manquent de rien et savent réagir en cas de problème, on identifie ressources et aides à disposition.

Ce qui nous manque en situation d’urgence, c’est du temps. Nous testons sans pouvoir prédire les effets comme on le souhaiterait, avec cependant l’espoir que ce que nous mobilisons soutiendra nos usagers.

Quelles ont été vos principales sources d’information pour réorganiser la prise en charge et les accompagnements en contexte de COVID-19 ?

Nous bénéficions d’une veille très efficace au niveau associatif et sommes informés quasi en temps réel des textes officiels et recommandations officielles. Comme il s’agit d’une situation éminemment évolutive, les choses avancent vite, il faut être en capacité de s’adapter, de repenser l’existant, et cet outil associatif est un véritable vecteur d’efficience pour les structures de l’ALGED. En effet, c’est lui qui me permet, en temps réel, de mobiliser mon énergie sur l’adaptation de l’organisation du SAMSAH.

Le renforcement des dispositifs de soutien à distance (téléconsultations, échanges par mél…) a-t-il soulevé des questionnements et problématiques encore inédits ? Si oui, lesquels ? Si non, comment y étiez-vous préparés ?

Nous sommes dans des métiers dont la dimension relationnelle et humaine est très forte, très ancrée dans les cultures professionnelles. Ces modalités d’échange à distance sont aussi une ressource pour des territoires comme les nôtres, ruraux, pour lesquels les visites à domicile requièrent un temps de trajet important. Cela a d’ailleurs constitué un grand atout dans cette gestion de crise : notre SAMSAH était déjà outillé en amont de cette crise pour travailler à distance (serveur en ligne, logiciel de visioconférence, dossier de l’usager dématérialisé…), et chaque professionnel déjà familiarisé à l’utilisation de ces outils, nécessaires aujourd’hui.

Pour certains usagers, nous nous apercevons que cette distance est un enseignement, que le contact peut passer par autre chose que le contact en présentiel, que ces outils à distance, nous permettent de garder le lien, voire qu’il soit plus fréquent et plus long, même s’il se fait à distance.

C’est autre chose, un autre lien, une autre expérience avec les usagers. Mais cette nouvelle expérience présente des atouts. Et les équipes le reconnaissent aujourd’hui. Ce sont des savoir-faire et des savoir-être que nous pourrions vouloir réinvestir par la suite, lorsque la vie reprendra son cours normal.

Par ailleurs, nous remarquons aussi parallèlement que pour d’autres usagers, les rencontres, les VAD commencent à manquer. En effet, la rencontre physique est beaucoup plus contenante et en fonction des besoins permet un travail beaucoup plus efficient.

Comment s’organise le partenariat avec les structures sanitaires dans ce contexte de crise et sous quelles formes ?

Jusque-là nous fonctionnons surtout en intra au niveau du SAMSAH. Nous tentons d’apporter des réponses aux personnes que nous accueillons, le mieux possible. A ce jour nous avons sollicité une hospitalisation pour un usager en détresse psychiatrique. Cette orientation via les urgences a été quasi épique, avec plusieurs allers-retours avec les pompiers, le SAMU, les policiers et les gendarmes. Ce n’était pas aussi fluide qu’on aurait pu le souhaiter. Mais la crise est telle qu’elle crée des incertitudes, brouille les parcours jusque-là assez balisés, avec évidemment une place plus importante pour les urgences somatiques associées au COVID-19 et cela s’en ressent dans nos quotidiens.

Si vous décidiez de faire évoluer votre organisation générale à l’aune de cette crise sanitaire, quelles seraient vos priorités ?

Nous allons vouloir très vraisemblablement nous ouvrir encore plus aux outils de consultation à distance pour les usagers qui auront vécu positivement ces modalités de prise de contact. Notre force c’est d’avoir été, par la force des choses, avec une structure éclatée sur plusieurs sites, déjà familiers de ces outils de coopération à distance qui permettent de fonctionner collectivement sans perte de données. C’est un atout inestimable à l’heure actuelle.

Du côté des usagers de votre service, quelles sont les préoccupations les plus palpables identifiées par vos équipes (continuité des accompagnements, continuité des soins (traitement, étayage médical…), continuité des aides sociales, perte de ressources financières, isolement social…) ?

L’isolement est extrêmement pesant pour certains usagers, plus particulièrement pour les personnes qui présentent un handicap psychique. Nous densifions les contacts avec eux. Nous sommes là pour eux. Nous avons pu repérer les personnes les plus à risque en amont du confinement et déterminer leurs référents parmi l’équipe pour poursuivre le lien, les rassurer sur ce qu’il allait être possible de maintenir, les ressources utiles, les partenaires du territoire…

En tant que chef de service d’un SAMSAH, quelles sont vos recommandations pour faire face à la crise sanitaire ?

Nous avons eu la chance de pouvoir nous adapter relativement rapidement à cette situation de crise notamment grâce à l’anticipation (la veille de l’annonce de confinement du gouvernement) et aux outils de travail à distance préexistants au SAMSAH. Cette agilité constitue une compétence cruciale, à mon sens. Nous avons pu adapter nos missions, les repenser à l’aune des risques associés à la distanciation sociale pour nos usagers, les élargir le cas échéant, et ainsi sécuriser nos accompagnements, autant que possible pour les usagers et les professionnels, tout en respectant les recommandations sanitaires qui nous incombent en tant qu’établissement médico-social et en assurant la continuité de nos accompagnements, autant que possible. Grâce à la forte mobilisation de l’équipe du SAMSAH, à notre instance associative qui nous soutient et à ces outils de travail à distance avec lesquels nous fonctionnions déjà, nous avons su nous réorganiser à distance, tout en restant au plus près de nos usagers.