Une équipe mobile pour aller vers les personnes souffrant de troubles psychiatriques en contexte de crise sanitaire

Le Pôle Centre Rive Gauche du centre hospitalier Le Vinatier crée une équipe mobile à Lyon, avec le soutien de la Fondation de France, dans le cadre du financement « Urgences COVID-19 ». Nicolas FRANCK et Mélanie TRICHANH, à l’origine du projet, en décrivent les objectifs, insistant sur sa dimension partenariale, vecteur d’efficacité du dispositif.

Quel est le périmètre d’intervention de l’équipe mobile et les canaux d’orientation qui lui permettent d’aller vers les populations à risque d’épisodes psychiatriques sévères ? (famille, usagers eux-mêmes via ligne d’écoute, orientations des partenaires des CMP, HDJ...)

Le périmètre d’intervention de l’équipe mobile est localisé dans 3 arrondissements du centre de Lyon. Il inclut les 3e, 6e ou 8e arrondissements de Lyon qui correspondent au secteur d’activité du Pôle centre du Centre Hospitalier du Vinatier, dont dépend l’équipe mobile. Nous avons pu recevoir des demandes hors de ce périmètre mais l’essentiel de l’activité de l’équipe mobile s’effectue sur ce territoire. Jusqu’ici les orientations proviennent des professionnels de l’intra et extrahospitalier (CMP, HDJ, PEP’s, SUR-CL3R) sur ce territoire.

La ligne d’écoute mise en place par l’association de pairs-aidants ESPAIRS ainsi que la plateforme téléphonique LIVE à destination des usagers et leur famille, contribuent également au repérage des situations de fragilité sur ce territoire. Nous prévoyons un déploiement et une montée en charge progressive, liée à la plus grande visibilité de l’équipe mobile.

En quoi la mobilisation des partenaires médicosociaux et sanitaires de ce territoire est-elle décisive pour le repérage précoce des situations à risque ? (Par ex : participation à l’évaluation du risque via des échelles, connaissance des populations locales accompagnées par les services, identification des facteurs de risque individuels...)

Repérer une situation à risque puis mobiliser les ressources adaptées pour faire face, suppose une bonne coordination des partenaires sanitaires et médicosociaux en présence, des méthodologies et outils d’évaluation transversaux et interopérables, et la reconnaissance mutuelle des enjeux d’une approche intersectorielle de l’accompagnement des personnes fragilisées. Ainsi l’équipe mobile va-t-elle répondre à un besoin identifié, son action prendra la forme d’une ou plusieurs visites à domicile (VAD) en fonction des besoins.

Malgré tout, l’équipe mobile ne pourra pas assurer seule l’accompagnement des personnes dans la durée, qui supposera un relai médicosocial ou en médecine de ville pour pérenniser les acquis du dispositif mobile. Les services de soins ambulatoires, les dispositifs d’accompagnement médicosociaux sont de fait, des partenaires essentiels pour assurer la continuité des parcours. Ils n’ont d’ailleurs pas cessé de fonctionner et d’aller vers les usagers avec le confinement. Cependant, parce qu’elle est composée de binômes de pairs-aidants, IDE et médecin psychiatre, l’équipe mobile apporte une expertise complémentaire pour l’évaluation de l’état de santé des personnes, la psychoéducation. Elle est par ailleurs formée spécifiquement à la gestion des situations de crise psychiatriques sévères, au domicile des personnes, le cas échéant.

L’objectif est de réduire les ruptures thérapeutiques et le recours à l’hospitalisation pour les personnes ayant des troubles psychiques sévères, en leur offrant des soins ambulatoires de proximité, de manière réactive, disponible et mobile. En renfort et en partenariat avec les équipes sanitaires et médicosociales et avec elles, l’équipe mobile constitue une ressource pour stabiliser la personne dans son milieu de vie, sans avoir à recourir à une hospitalisation. C’est sa force et sa justification.

Après 3 semaines de fonctionnement, quels sont les profils cliniques des personnes accompagnées, des tendances se dégagent-elles, par sexe, niveau économique et social ?

Pour l’instant, on ne peut dégager de tendances à proprement parler. Les populations rencontrées sont tant des hommes que des femmes, certains sont des jeunes adultes d’autres sont plus âgés. Ils ont tous été en contact avec l’offre de soin de l’Hôpital du Vinatier, principal orienteur.

Certains présentent des fragilités socio-économiques marquées mais ce n’est pas systématique. Pour l’essentiel des personnes que nous accueillons, la mesure de confinement, dans ses modalités et ses effets, constitue le motif le plus prégnant de recours à l’équipe mobile, notamment le besoin de préserver un lien avec autrui, de rompre l’isolement.

L’inquiétude liée au risque d’être contaminé est certes présente mais ne semble pas le principal motif d’anxiété des personnes liée davantage à cette situation inédite de mise en veille du pays avec ses conséquences économiques et sociales. Toutes les personnes accompagnées souffrent d’un trouble psychiatrique. La plupart est stabilisée, mais présente malgré tout une fragilité importante voire un risque de rechute. Aussi l’équipe mobile n’intervient pas comme une équipe mobile d’urgence psychiatrique mais bien plutôt comme un dispositif de soutien itératif, en réponse à un besoin d’étayage renforcé lié à la crise sanitaire et au risque de décompensation augmenté, dans un contexte sanitaire en tension.

Quelles sont les perspectives d’évolution pour cette équipe mobile à l’issue du confinement ?

Les prises en charges et suivis mis en place en urgence dans le cadre du confinement se maintiendront en période de post-confinement, étape tout aussi sensible pour les usagers. Par ailleurs, à moyen terme, le dispositif se pérennisera dans le cadre du projet du Pôle centre du CH du Vinatier, dans un objectif de renforcement des soins ambulatoires.

Propos recueillis auprès du Dr Mélanie TRICHANH et du Pr Nicolas FRANCK

Pour en savoir plus sur l’équipe mobile : melanie.trichanh chez ch-le-vinatier.fr