Témoignage : Véronique Barathon, pair-aidante en autisme, syndrome d’Asperger et neurodiversité

Véronique a fait son stage au centre ressource dans le cadre de sa formation « Patient ressource » de l’université des Patients. Diagnostiquée tardivement autiste Asperger, Véronique milite pour une meilleure prise en compte de l’autisme, et notamment de l’autisme au féminin. Elle souhaite faire davantage connaître l’autisme et ses spécificités, afin d’améliorer sa prise en charge et de déstigmatiser cette condition neurodéveloppementale, souvent mal connue.

Dans cet objectif, elle a réalisé une fiche de présentation des troubles du spectre autistique pour notre site internet. Avec des mots accessibles, des illustrations et des exemples concrets, elle a souhaité décrire en s’appuyant sur son vécu notamment, les principales spécificités des troubles autistiques et Asperger.

Elle est revenue avec nous sur son parcours, le message qu’elle souhaite porter et diffuser autour de l’autisme, et sur comment elle a construit cette fiche pour mieux faire connaître l’autisme et ses spécificités.


Porter une vision féminine de l’autisme :


Pendant des années, l’autisme a été vu d’un point de vue masculin


« J’ai été diagnostiquée à tout juste 29 ans, et c’est un point important, car les retards de diagnostic sont porteurs d’une vie compliquée. Il y a souvent de l’errance diagnostic. On est alors orientés vers des troubles qu’on ne porte pas et des médicaments dont on n’a pas besoin, et souvent vers un enfermement et isolement qu’on aurait pu éviter. Et plus on va connaître l’autisme au féminin, moins il y aura de retard de diagnostic, et plus il y aura de prises en charge, et de souffrances en moins. »

Sa fiche est teintée d’une vision féminine de l’autisme, car elle s’appuie sur son vécu mais aussi sur le fait que les personnes qu’elle a interrogées pour la construire étaient majoritairement des femmes.

« On a évidemment des choses communes, la difficulté de relations sociales, les intérêts spécifiques, les problèmes d’anxiété, les troubles alimentaires, mais quand on s’approche plus finement des choses, on voit qu’il y a des différences assez importantes entre les hommes et les femmes ».

Un axe assumé : « Pendant des années, l’autisme a été vu d’un point de vue masculin par des psychiatres masculins, des sujets et patients qui étaient des hommes, et les femmes pendant très longtemps sont passées inaperçues, parce qu’elles avaient des caractéristiques qui étaient beaucoup plus effacées et beaucoup plus acceptées socialement. Comme par exemple, un homme qui se serait intéressé de très près à des revues de tracteurs, ça pourrait plus porter attention qu’une femme qui s’intéresse énormément à des petits chats. Et pourtant, ça va être des intérêts spécifiques qui sont envahissants, mais qui parlent moins, qui sont moins visibles. C’est pour ça qu’aujourd’hui, la cause de l’autisme est portée par de plus en plus de femmes car on aimerait qu’il y ait moins de retard de diagnostic pour les petites filles, pour les adolescentes et plus d’accompagnement pour les femmes, qui ont aussi lié à ça des soucis d’hormones, de vie féminine, pour assumer d’être une femme. »


Communiquer pour déstigmatiser :


Encore aujourd’hui, pour mes proches comme pour beaucoup de gens, il y a de la stigmatisation


Communiquer plus largement auprès du grand public est essentiel pour Véronique, afin de lutter contre les idées reçues sur les différences. « Le sujet de l’autisme est mal connu ou peu connu et connoté négativement, alors que cela pourrait être vu comme des « supers pouvoirs » si on les comprend bien. »

Le message qu’elle souhaite faire passer est celui de « l’ouverture d’esprit et de la compréhension ».

« Apprenez à nous connaître, apprenez à nous comprendre et vous verrez qu’on peut vous apporter plein de choses si vous respectez au plus près les conditions dont on a besoin. Renseignez-vous, essayez de sortir des clichés, et plus chaque personne connaîtra l’autisme, plus on pourra apporter une pierre à l’édifice. Il faut que ces sujets-là arrêtent de faire peur, et qu’on puisse en parler comme d’un trait logique « bah oui je suis autiste, je chausse du 41 et j’aime bien porter des habits bleus ». Que cette condition neuronale fasse partie intégrante de ce que l’on est, et qu’il n y ait pas ce « choc » à chaque fois qu’on annonce qu’on est autiste. »

Elle est convaincue du rôle que peuvent avoir les pairs-aidants pour mieux faire connaître leurs troubles et participer à la déstigmatisation :
« Bien sûr on est là pour aider les autres, en direct avec les patients, mais on aidera aussi les autres si le sujet est plus abordé. « La com » c‘est du travail de pair-aidance, car toutes les personnes qui sont chez elles, derrière leur ordinateur, qui n’osent pas sortir, pourront déjà avoir de l’information sur internet et sur les réseaux sociaux, et auprès du grand public ça va faire bouger les choses. Plus il va y avoir de communication sur un sujet, plus ça réduit la bêtise humaine, c’est à dire qu’on communique sur un sujet, on apprend, on s’ouvre, on se documente. Et pour moi la communication c’est le meilleur cadeau qu’on puisse faire contre la stigmatisation.  »


S’appuyer sur les stratégies et intérêts spécifiques pour communiquer sur l’autisme


Je me suis servie aussi de mes forces parce que j’aime beaucoup dessiner et je vois la vie en image


Pour construire cette fiche sur l’autisme, Véronique s’est appuyée sur ses points forts et intérêts spécifiques.

« J’adore classer. La fiche m’a permis de faire de la classification de spécificités. Je vois également les choses en couleur et pour moi les classifications sont beaucoup en couleur. C’est pourquoi, vous aurez peut-être l’impression que ma fiche sur l’autisme contient plus de phrases en gras ou colorées que les autres articles du site. Mais c’est une façon de visualiser et de classer qui m’aide beaucoup, pour l’écriture d’un texte et sa lecture  ».

« Autre intérêt spécifique sur lequel je me suis appuyé, le plaisir que j’ai à lister et à creuser. Dès qu’un sujet m’intéresse, je vais le creuser au maximum. Non pas pour être savant et pour tout savoir, mais c’est comme manger une barre de chocolat en entier, moi il faut que je mange le sujet en entier…Et je ne peux pas m’arrêter. Dans le cadre de cette fiche sur l’autisme, le sujet a été creusé à fond et ça m’a aidé de pouvoir mettre ce goût pour le travail de recherche dans un dossier.

Une autre force sur laquelle elle s’est basée pour ce travail : le dessin. « J’aime beaucoup dessiner et je vois la vie en image plutôt qu’en mots, parce qu’on a besoin de tout ce qui est concret. L’abstrait ne nous permet pas d’arriver à des choses pertinentes. Comme je voyais tout ce que j’écrivais en image, j’ai eu envie de les retranscrire en vidéos animée, afin que cela soit plus accessible à tous ».

« Dans l’autisme, on a des difficultés pour interpréter les émotions des gens, au niveau de leur visage, et pourtant moi c’est quelque chose qui m’intéresse énormément. Sous la forme de dessins, on trouve des expressions qui sont assez faciles à comprendre et très imagées, donc j’ai voulu mettre en image tout ce qu’on peut ressentir au niveau émotionnel. Pour arriver à exprimer les émotions, je me suis aidée de smileys/émoticones. Je les trouve très parlantes au niveau des yeux, de la bouche, des mimiques, des sourcils. Non seulement ça m’a aidé à faire les dessins, mais cela m’aide aussi à chaque fois à mieux identifier les émotions.

Développer des stratégies pour mieux vivre au quotidien :


Aujourd’hui, je n’hésite plus à parler de mes spécificités pour les faire comprendre


Au quotidien, Véronique a mis en place un certain nombre de stratégies, qu’elle a pu développer parce qu’elle connaissait ses spécificités, ses troubles et ses forces.

Par exemple « Je suis une personne anxieuse, je vais faire des crises d’anxiété, de colère, des crises émotives, et ça c’est d’abord un point à cibler. Je cible ensuite quelles stratégies je vais pouvoir mettre en place pour que cela se produise moins, pour pouvoir m’adapter.
J’ai eu à faire un énorme travail d’analyse sur moi. Certaines personnes ont trouvé que je m’en suis vite sorti, mais c’est parce que tous les jours, je fais un travail d’analyse, de compréhension et de positivité. Ma devise était et demeure : « j’ai un souci, je le cible, je le comprends, je le travaille et j’en fais quelque chose ».

« Ce sont des outils que j’utilise au quotidien. Je vais vite me fatiguer, donc j’adapte mes horaires. Je vais être sensible au bruit, donc je porte un casque antibruit. J’ai des spécificités alimentaires, donc je les respecte tout en faisant attention à mon alimentation. J’ai des soucis pour parler avec les personnes, j’essaye de leur expliquer que j’ai du mal à regarder dans les yeux, ou que je ne pourrais parler que trente minutes. Aujourd’hui, je n’hésite plus à parler de mes spécificités, pour les faire comprendre. Les personnes qui ne comprennent pas et qui ne veulent pas comprendre, je m’écarte d’elles, et les personnes qui sont ouvertes et dans la compréhension sont des personnes avec qui je vais plutôt rester. »


S’impliquer dans la pair-aidance : une nouvelle voie professionnelle


Après le bac, à la question « quel métier tu veux faire ? » Je n’aurais jamais imaginé répondre « pair-aidante dans l’autisme !


« J’ai eu un parcours qu’on a essayé de m’inculquer, comme parcours classique, ce que j’appelle le « moule ». Par exemple : « tu vas à la fac, tu fais des études, tu fais un travail, tu gagnes ta vie, tu passes ton permis ». Parcours qui pour moi a été très difficile. Pendant très longtemps, je ne savais pas que j’étais une personne autiste. J’ai toujours eu des troubles, puisque c’était lié à ça, mais sans le savoir. Et donc après beaucoup d’expériences, on pourrait dire d’échecs, mais aussi d’apprentissage de la vie, j’ai découvert que le travail professionnel classique, la vie de couple classique n’était pas faite pour moi.

Et après mon diagnostic, et même pendant, avant et après, j’ai fait des écrits et des recherches sur les personnalités atypiques, les hauts potentiels, les cerveaux différents, la recherche sur les cerveaux, le rôle des neurones et synapses, enfin bref des questionnements de neurologie. Et tous les écrits que j’ai faits, je les ai donnés à mon psychiatre et ma psychologue qui me suivaient. Et en fait, c’est parce qu’elles se sont intéressées à mes recherches d’analyse personnelle, et d’analyse sur le sujet de l’autisme, qu’elles m’ont proposé d‘intégrer une formation de pair-aidance. »

Cette notion est nouvelle pour Véronique qui découvre alors ce que signifie devenir patient ressource « Il y a des personnes qui vont connaître certaines maladies, par les livres, parce qu’ils ont fait la médecine, parce qu’ils ont lu des choses. Nous on connaît ce trouble parce qu’on l’a. Et on peut s’en servir pour devenir professionnel".

Elle a intégré la formation de pair-aidance de l’Université des patients « Devenir patient ressource en santé mentale » et a tout de suite été passionnée par les différents enseignements. Dans le cadre de son stage au CRR, elle a ainsi travaillé autour de deux axes, la participation à la construction d’un groupe ETP (éducation thérapeutique du patient)sur l’autisme et la communication.
« En formation de pair-aidance, on est très axé sur l’ETP et ici au centre de Lyon, un groupe va être ouvert sur l’ETP autisme, le pair-aidant a donc toute sa place. Il va lister tout ce qui est difficile pour lui, pour le faire comprendre aux autres, pour que chacun ait conscience de ses difficultés, ses forces, et comment y remédier au quotidien. Se connaître et apprendre à se gérer ».


La réhabilitation psychosociale, des outils utiles dans le cadre des TSA


Dans le cadre de l’autisme, la réhabilitation psychosociale peut-être utile pour s’occuper des comorbidités ou des troubles associés


Pour elle, la réhabilitation peut être utile dans le cadre des TSA afin de s’occuper des comorbidités ou des troubles associés, et de mieux vivre au quotidien.

« C’est-à-dire qu’en tant qu’autiste, on va par exemple développer des angoisses aux relations sociales. Des outils comme les groupes de relations sociales ou l’entraînement des compétences sociales peuvent être utiles. C’est également le cas pour les groupes d’affirmation de soi car on va avoir des difficultés à prendre les devants, à se connaître. Les groupes de pleine conscience peuvent être très utiles car on va avoir tendance à beaucoup cogiter, pour nous tout ce qui est pensée abstraite est vraiment très anxiogène et la pleine conscience va nous permettre de revenir vers des choses qui sont concrètes et qu’on peut éprouver au quotidien. Il y’a également les troubles de mémoire, de concentration et d’organisation, car même si aux yeux des autres, nous sommes des personnes qui vont être très soucieuses de leur travail, perfectionnistes, organisées, ce qu’on ne sait pas, c’est qu’on a souvent un défaut de repérage dans le temps. Nous avons besoin minuter les choses. Se concentrer longtemps sur une tâche va être fatiguant, et puis plus on va penser à des choses, plus cela va nous stresser et provoquer des problèmes de mémoire, cela peut être travaillé en remédiation cognitive.


On a aussi besoin de travailler la gestion des émotions, la compréhension des émotions des autres et les nôtres, et la gestion des plannings, des tâches à effectuer, car on est beaucoup à avoir des difficultés d’organisation. On a un besoin énorme de préparation, d’anticipation, mais on peut être amené à avoir besoin d’être aidé pour la planification, comment tout écrire, par couleurs pour ne rien oublier, pour faire les choses bien.