Echos du terrain avec Mathieu GOYET, directeur départemental du GRIM

Entretien avec Mathieu GOYET, directeur départemental du GRIM (69), responsable du SAMSAH historique et du SAMSAH réhabilitation constitué d’une file active de 55 usagers.

Comment décririez-vous la vie du SAMSAH depuis le début du confinement ?

Le SAMSAH est resté ouvert depuis l’annonce du confinement, avec un petit noyau de salariés sur site, à Villefranche-sur-Saône. De la même façon, les accompagnements au domicile des personnes se sont poursuivis.

Il a été évident pour nous que la mesure de distanciation physique (surtout pas sociale !) ne signifiait pas la suspension des accompagnements du SAMSAH mais une réorganisation de nos accompagnements pour répondre à l’exigence de limiter les risques de contamination, avec certes le recours aux dispositifs de suivi des personnes à distance (téléconsultations, visioconférence, appels téléphoniques…).

Ainsi les VAD ont–elles été maintenues, en respectant les gestes barrière, pour continuer d’apporter une présence qui nous semble essentielle et insubstituable aux usagers du service. Nous sommes de fait dans des métiers où le lien social est décisif. Maintenir ce lien reste une exigence même s’il a fallu repenser les modalités de ce lien. Nous veillons à ce que les usagers du SAMSAH soient préservés du risque de ré-hospitalisation associé à une rupture de parcours non voulue. Maintenir ce lien y participe incontestablement.

Comment l’équipe est-elle organisée pour faire face ?

Nous sommes 7 professionnels sur site, chaque jour, dont deux du SAMSAH, à nous partager les bureaux du GRIM à Villefranche-sur-Saône, ce qui nous permet de respecter les mesures de distanciation physique. Le reste de l’équipe est en télétravail avec des déplacements prévus, le cas échéant, au domicile des usagers, pour des ordonnances, l’achat de denrées alimentaires, des accompagnements aux soins, des fournitures d’attestation de déplacement, de médicaments…

Nous avons été rapidement équipés de matériel de protection, avec une dotation hebdomadaire de l’ARS. Par ailleurs, les professionnels bénéficient tous d’un accès au progiciel Mediateam qui nous permet de renseigner l’activité du SAMSAH et d’un ordinateur portable. Équiper les collaborateurs pour faciliter le travail à distance a d’ailleurs été une de mes premières missions. Je tiens à saluer au passage l’énergie et la motivation des équipes du SAMSAH qui nous a permis d’organiser rapidement et efficacement la continuité de nos accompagnements.

Nous avons enfin encadré ce mode de fonctionnement par l’implémentation d’une Charte de télétravail pour l’association GRIM qui énonce les recommandations, droits et devoirs auxquels s’engagent les professionnels, à titre individuel et collectif.

Êtes-vous amenés à gérer des situations particulièrement préoccupantes chez les personnes que vous accompagnez ?

La situation des personnes que nous accompagnons est relativement stable, jusqu’ici. Comme je l’évoquais, nous avons très tôt mis en place un ensemble de mesures et dispositifs spécifiques permettant d’assurer la continuité de nos accompagnements, tout en protégeant la santé des usagers et des professionnels.

Cependant, certains usagers déjà fragilisés par des comportements à risque, avant le COVID-19, subissent plus que d’autres le confinement. En effet, les situations les plus critiques que nous rencontrons sont liées le plus souvent à des comorbidités addictives préexistantes qui ont trouvé avec le confinement un terrain favorable pour s’exprimer davantage. Des situations d’incurie dans le logement ont également été constatées et fait l’objet d’un accompagnement dédié, ou encore des situations d’hypersensibilité à l’environnement et à la promiscuité, avec des manifestations d’agressivité et violence envers autrui. De même des états somatiques se dégradant pour certaines personnes ont nécessité des interventions ciblées. Mais ce sont des situations qui restent peu nombreuses et qui auraient pu se produire indépendamment de la crise sanitaire même si celle-ci a pu les favoriser. Dans ces situations, nous avons réagi en fonction.

Avez-vous pu compter sur des partenariats préexistants pour organiser votre réponse à la crise sanitaire ?

Les réunions interSAMSAH se poursuivent pour maintenir un contact. Nous restons également proches des Couleurs de l’accompagnement qui fédèrent plusieurs associations partageant nos valeurs de lutte contre la stigmatisation et de renforcement du pouvoir d’agir des personnes souffrant de handicap.

Je constate néanmoins, en filigrane, ce qui m’apparaît comme un repli des acteurs liés au caractère inédit de cette crise qui nous a tous pris par surprise, pour laquelle nous n’étions pas préparés et qui semble amener inéluctablement à cette concentration des acteurs sur leurs propres modes de fonctionnement en intra.

Cependant, des solidarités se sont poursuivies voire renforcées pour nous avec des associations comme la Roche, avec lesquelles nous continuons à échanger sur nos pratiques, mutualiser informations et ressources pour agir. Maintenir ces solidarités me semble absolument primordial, aujourd’hui plus que jamais.

Comment envisagez-vous la suite avec le dé-confinement qui devrait s’avérer constituer une étape particulièrement délicate pour tout un chacun ?

Aujourd’hui nos préoccupations vont en effet vers l’après-confinement et les modalités du dé-confinement. Il faut pouvoir rassurer les personnes, avec des informations et des consignes claires, tant à destination des professionnels du SAMSAH que pour ses usagers, dès lors que le risque de contamination ne cessera pas d’exister après le 11 mai. Certaines craintes devront être entendues et dépassées avec des conditions qui permettent aux usagers et aux professionnels d’être protégés, avec la même exigence qu’aujourd’hui.

Jusqu’à présent, compte tenu de la forte évolutivité du contexte sanitaire et des annonces gouvernementales, nous n’avons pas voulu nous précipiter vers des modalités d’organisations et consignes qui auraient été provisoires, par définition. Nous avons en effet pris le temps de réfléchir en interne à la meilleure organisation possible, qui soit modulable, et tout cela en équipe, ce qui nous permet aujourd’hui d’être prêts à intégrer les mesures que nous devrons observer en contexte de dé-confinement.

Viendra, plus tard, le moment de prendre du recul et de faire l’analyse de ce que nous sommes en train de vivre. Il y aura là beaucoup à dire.