Echos du terrain avec Marie Petit, cheffe de service du service rétablissement de l’ALHPI

Marie Petit est cheffe du service Rétablissement de l’ALHPI, situé à Sassenage (38). Marie partage avec nous son vécu de la crise sanitaire, les actions mises en place pour faire face et comment le SAMSAH a su s’adapter à cette situation inédite.

Quelles actions avez-vous pu mettre en place pour répondre dès le départ au contexte de crise sanitaire pour les usagers du SAMSAH orienté Rétablissement** ?

A l’instar des autres services en milieu ouvert de l’association ALHPI, durant la première semaine de confinement imposé, il a fallu parer à l’essentiel et s’assurer notamment de l’état de santé somatique et psychologique des personnes : Comment vont les personnes ? Sont-elles en capacité de satisfaire leurs besoins élémentaires ? Ont-elles besoin d’aide pour l’observance de leur traitement en période de confinement ? Quelles ressources ont-elles identifiées si leur état psychologique se dégradait ? L’activation du plan bleu, la réorganisation de l’activité depuis le domicile des professionnels ainsi que l’approvisionnement en masques, gants, gel hydroalcoolique, etc. a permis de maintenir le lien à distance mais aussi de poursuivre les interventions nécessaires, dans le respect des gestes barrières (accompagnement aux courses de première nécessité, à la pharmacie, au CMP…) afin de soutenir le maintien à domicile des personnes accompagnées.

A quoi ressemble aujourd’hui votre organisation en interne dans ce contexte d’épidémie ?

Notre organisation et nos fonctionnements ont évolué au fil des semaines sous l’impulsion de la direction, engagée et présente à nos côtés depuis le début.

Le confinement se prolongeant, l’étayage proposé par l’équipe du SAMSAH s’est renforcé pour limiter les effets du confinement sur les personnes dans le temps. A cet égard, l’équipe fait preuve d’une réelle adaptabilité et d’une importante créativité pour continuer à accompagner les personnes sur le versant du rétablissement.

En fonction des ressources de la personne, des ressources externes disponibles, des partenaires en présence, et en tenant compte de ce que les mesures de confinement autorisent, les modes d’accompagnement se déploient aujourd’hui sur plusieurs niveaux allant du soutien téléphonique régulier jusqu’à l’intervention dans l’environnement de la personne pour évaluer et prévenir une éventuelle dégradation de l’état de santé psychique. C’est bien entendu la personne elle-même qui oriente l’équipe quant à la meilleure stratégie d’accompagnement à adopter.

Par ailleurs, afin de renforcer le soutien aux personnes accompagnées et d’apporter une écoute particulière aux familles qui en éprouvent le besoin tant que dure la crise sanitaire, des entretiens psychologiques et médicaux à distance ont rapidement été proposés. Cette cellule d’écoute et de soutien est désormais bien repérée et utilisée.

Les réunions d’équipe se poursuivent de manière hebdomadaire. D’abord organisées par skype, elles se déroulent désormais en partie en présentiel et en partie à distance, afin de préserver l’esprit de cohésion entre professionnels et de pallier à certains risques psychosociaux, notamment au fait de travailler depuis son domicile. Le pair-aidant participe, lui, aux réunions sur site.

Les cadres - cheffe de service, médecin, psychologue - sont également présents, en semaine, en alternance au service. Les professionnels de terrain viennent également à tour de rôle. Cela marque l’engagement de la structure, et indique que nous sommes là, à l’écoute, pour les personnes, pour leurs proches, pour nos partenaires, quelle que soit la situation que nous traversons.

Parallèlement, l’étude des nouvelles admissions se poursuit. Les rendez-vous d’information, habituellement pratiqués au service, se font par téléphone et permettent d’évaluer chaque situation afin de déterminer s’il est nécessaire de démarrer l’accompagnement avant la levée du confinement. A l’heure actuelle, aucune situation ne semble le nécessiter mais les personnes contactées souhaitent pour la plupart maintenir un lien avec le service (un appel tous les 10 à 15 jours en moyenne) afin de pouvoir réévaluer les choses à mesure.

En quoi cette crise sanitaire bouscule-t-elle vos modes d’intervention ?

La crise sanitaire actuelle et les mesures de distanciation sociale qu’elles imposent, bousculent fortement nos pratiques puisque nous accompagnons des personnes jeunes, isolées socialement, vers une autonomisation progressive et une meilleure inclusion sociale. Mais paradoxalement, cette crise nous oblige aussi à nous réinterroger, à nous adapter et à garder le cap pour que les principes du rétablissement sous-tendent chacune de nos interventions.

C’est ainsi qu’au jour le jour, l’équipe du SAMSAH tente de préserver le lien avec chaque personne, de poursuivre les accompagnements, d’éviter les ruptures et les hospitalisations. Cela demande de l’anticipation, un suivi ténu de l’évolution de la situation de chaque personne et une confiance réelle en la capacité de chacun à faire face et à mettre en place des stratégies d’adaptation qui lui ressemble.

Quel type de difficultés ou d’inquiétudes identifiez-vous chez les personnes que vous accompagnez ?

Chaque personne est unique et ses difficultés le sont aussi. Certaines personnes disent aller mieux avec le confinement : moins de monde, moins de bruits, moins de pression sociale. C’est important de le relever. D’autres sont inquiètes de l’impact économique de la crise alors qu’elles s’apprêtaient à intégrer un logement autonome ou à trouver une situation professionnelle. D’autres enfin, qui venaient de prendre leur envol, sont retournés vivre en famille et éprouvent cette situation comme un « retour en arrière ».

Beaucoup de projets se sont ainsi trouvés mis entre parenthèses : projet logement, stages, reprise d’études, reprise d’une activité de loisir… D’autres personnes peinent à comprendre les mesures du confinement malgré l’effort que font les professionnels pour leur expliquer, et peuvent adopter des comportements à risque.

Le risque d’épuisement des aidants a également été rapidement identifié et a donné lieu à la mise en place un dispositif de veille et d’écoute, ce qui s’avère précieux sur le long terme.

Quel premier bilan faites-vous de cette réorganisation d’urgence des services ?

Ce sont des données intermédiaires mais elles font sens dans la période que nous traversons : jusqu’ici, sur les 180 personnes accompagnées actuellement par les SAMSAH de l’association ALHPI dont 20 personnes en SAMSAH réhabilitation, seules deux personnes ont dû être hospitalisées en psychiatrie, depuis le début du confinement, dont une hospitalisation qui semblait inévitable avant le confinement, du fait de comorbidités addictives importantes. Ce chiffre constitue à mon sens, un indicateur de l’adaptabilité des équipes, de sa réactivité, de la qualité du suivi des personnes et de la capacité des professionnels à repérer et à gérer une situation à risque.

Les équipes de l’association ALHPI bénéficient d’une direction expérimentée, ce qui a contribué à faciliter l’adaptation rapide des réponses apportées aux personnes accompagnées, quelle que soit la complexité des situations. Par ailleurs, les professionnels des SAMSAH, tout en adaptant leurs interventions, ont continué à se mobiliser dans l’environnement des personnes chaque fois que cela s’est avéré nécessaire, dans le respect des gestes barrière.

Service Rétablissement ALHPI : SAMSAH de 50 places se déployant sur tout le Département de l’Isère à partir de deux sites (Sassenage et Bourgoin-Jallieu).

Rédaction : Marie Petit, cheffe de service.