3 questions à Camille Niard, médiatrice de santé paire sur l’observatoire du rétablissement

L’observatoire du rétablissement, porté par le centre ressource de réhabilitation psychosociale se remobilise pour les structures de santé mentale en France.

Ce dispositif propose d’accompagner les équipes volontaires dans l’évaluation et l’adaptation de leurs pratiques afin qu’elles soient axées sur le rétablissement des usagers. Son originalité : se baser sur un processus d’évaluation-action ouvert aux usagers, familles et professionnels pour dresser un état des lieux complet et personnalisé des pratiques du service. Rencontre avec Camille Niard, médiatrice de santé paire au centre ressource, à l’origine de ce projet !

Comment est né le projet d’observatoire du rétablissement ?


L’Observatoire est né d’un ressenti... une sensation de vide et d’impuissance des services de santé mentale à m’accompagner vers le rétablissement

Laisser le temps au temps de faire les choses. De ce fait, les choses ont évoluées effectivement à leur rythme, à la force de volonté, de résignation, d’espoir, de soutien de mes proches. Puis me sentant rétablie, j’ai eu besoin de partager, pour faire changer les choses, à mon échelle. Je voulais parler aux soignants, aux médecins, pour déployer les pratiques orientées rétablissement.

Je pense que le soin peut être actif, respectueux des personnes concernées, participatif, évolutif. J’ai découvert en y travaillant, un autre visage de la psychiatrie via les services de réhabilitation psychosociale, une psychiatrie active, qui lutte contre la chronicisation, tente de réparer les dégâts de la stigmatisation et donne le pouvoir aux personnes concernées d’agir pour reprendre leur vie en main.

Je suis convaincue que les pratiques orientées rétablissement sont nécessaire à l’efficience des services de santé mentale, à la réinsertion dans la cité des personnes concernées, à leur déchronicisation. Elles peuvent alors donc être source de bien-être professionnel pour les soignants également, qui retrouvent alors du sens en leur travail. A partir de ce ressenti d’usagère de la psychiatrie désormais travaillant dans une équipe de réhabilitation psychosociale, un projet est né.

Il a été élaboré en mêlant dès ses fondements expertise scientifique, médicale, infirmière et expérientiel. En effet l’observatoire du rétablissement s’est construit à partir de ma proposition partagée à un infirmier chercheur et un biostatisticien lors d’un séminaire d’élaboration de projets innovant en santé mentale. Celle-ci s’appuyait sur le constat vécu que la psychiatrie de secteur manquait d’homogénéité en terme de qualité de service et qu’il existait peu de moyen de changer ses inégalités.

Nous avons donc réfléchi ensemble à un dispositif d’évaluation volontaire prenant en compte la parole des usagers, de leurs proches et des professionnels concernés d’un service qui souhaite s’orienter vers des pratiques orientées rétablissement mais ayant besoin d’accompagnement pour se faire.

L’idée étant de diminuer l’écart entre les pratiques et les soins proposés avec ceux recommandés par la HAS ainsi que mieux répondre aux attentes des patients. De retour de ce séminaire, le chef de service ainsi qu’un médecin psychiatre de réhabilitation proposent d’utiliser le questionnaire RSA (Recovery Self Assesment) pour appliquer le dispositif. Une équipe souhaitant changer de pratiques s’est portée volontaire pour le tester. L’Observatoire du Rétablissement était lancé !

Comment est construite la méthode d’évaluation-action de l’observatoire du rétablissement ?

Dans une vie antérieure, j’ai été consultante en environnement et j’ai notamment été formée à la méthode bilan carbone. Je me suis inspirée de cette méthode d’audit et de sensibilisation pour élaborer la méthode de l’observatoire qui comprend 5 temps essentiels.

Réunion de démarrage  : réunion de sensibilisation au dispositif où sont conviés l’équipe volontaire, les usagers, les proches. Cette réunion de 2 heures, animée par un psychiatre et un travailleur pair en santé mentale a pour but de présenter le dispositif, notamment les questionnaires et la finalité de l’enquête afin que les parties prenantes s’emparent de ceux-ci et que la campagne soit le plus fructueuse possible.

Le temps d’enquête (un à trois mois)  : mise à disposition des questionnaires RSA auprès de l’équipe du service, des usagers et leurs proches ; sous format papier et questionnaire en ligne.

• Analyse des données par le CRR

Restitution des données et sensibilisation aux pratiques orientées rétablissement  : une demi-journée, animée par un psychiatre et un travailleur pair. Comme pour la réunion de démarrage, sont conviées toutes les parties prenantes. Dans un premier temps, nous leur restituons les résultats du questionnaire en mettant l’accent sur ce qui est déjà bien acquis et sur les points saillants à travailler. Des discussions s’ouvrent alors, à la recherche de pistes pour s’améliorer

Par exemple, concernant l’équipe test ; l’enquête a rapporté qu’il était très difficile de changer de médecin. La discussion a permis de verbaliser le pour et le contre de cette pratique en terme de possibilité technique, de moyens et d’alliance thérapeutique.

Dans un deuxième temps, nous réalisons une sensibilisation aux pratiques orientées rétablissement : réhabilitation psychosociale, psychiatrie communautaire, pair-aidance... Nous leur présentons quelques outils pratiques selon les résultats des questionnaires : psychoéducation, WRAP, directives anticipées etc… Si besoin nous orientons également l’équipe vers des formations courtes (25h) en e-learning adaptées à leurs besoins ou plus longue de type DU. Le CRR étant un service universitaire, il propose différentes formations destinées aux professionnels de santé mentale.

• Un an après le bilan initial, nous proposons une ré-évaluation du service via les mêmes questionnaires RSA pour voir l’évolution des pratiques.

Quels sont les autres objectifs de l’observatoire du rétablissement ?

Au niveau méta, une des ambitions de l’Observatoire est de recenser les choses qui marchent également dans les différents services audités ! Cela afin de réaliser un guide des bonnes pratiques qui sera ensuite diffusé en open source sur notre site internet et réactualisé régulièrement.

L’Observatoire pourrait également servir à recenser les difficultés récurrentes et les analyser, voir proposer des solutions pour y remédier.

Pour plus d’informations, retrouvez l’article de présentation de l’observatoire du rétablissement :
Observatoire du rétablissement - accompagner les usagers vers le rétablissement : et vous dans vos pratiques, vous en êtes où ?